Chemin de croix

Son dôme transperce le ciel bleu d’avril. L’église surplombe Paris et bénit ses habitants. Les yeux se tournent vers le haut de la colline. Certains voient le chemin encore à parcourir, d’autres cherchent une alternative : monter avec le minibus, avec le funiculaire, peu importe, monter, juste monter. Les plus téméraires ou les plus sportifs attaquent la première marche et comptent de dix en dix. Leurs cuisses chauffent, les regards se baissent sur les prochaines marches puis les épaules prennent le dessus, se redressent et accompagnent la nuque, le visage vers la destination. Les souffles sont courts mais enthousiastes. Les cœurs s’emballent.
Des voix s’élèvent, appellent leurs parents, leurs enfants, leurs amis. Les langues s’entrechoquent : du français, de l’espagnol, de l’italien, du portugais mais aussi plein d’autres langues difficilement identifiables.
A chaque palier, des danseurs, des chanteurs à guitare encouragent les fidèles. Certains s’arrêtent pour profiter du spectacle en récupérant un rythme cardiaque paisible.
Le Sacré-Cœur les attend tous. Des cordons de sécurité ont été placés de l’entrée au parvis, des écrans ont été branchés à l’extérieur pour ceux qui ne réussiraient pas à entrer dans la nef.
Il reste beaucoup de marches à gravir mais la foule stagne, impossible d’avancer. Ceux qui sortent du funiculaire font une autre queue, une queue qui avance par à-coups, au rythme de chaque montée de la télécabine.
Les fidèles sont réunis en ce week-end pascal et attendent une prise de parole. Les micros sont testés. Ceux qui franchissent le pas de l’église se signent et couvrent leurs épaules, ceux qui restent dehors ne se sentent pas contraints de porter un T-shirt couvrant. Il fait chaud, très chaud pour ce mois d’avril.
L’attente est longue, ça ne devrait plus trop tarder. Les micros crachotent et une voix inonde l’église, le parvis, les marches jusqu’au manège en bas. Les enfants cessent de courir.
– Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit…Amen.
Chaque main s’est levée en même temps sur le front, sur le plexus solaire, à gauche, à droite à ces mots tant espérés par la foule. La messe dure, le silence s’installe. Combien de temps est passé, nul ne le sait. Les micros s’éteignent après un « Dieu vous bénisse, amen.»
La foule se disperse lentement, se dirige où elle peut, en évitant de perdre de vue les gens proches.
Le ciel bleu est taché d’un seul nuage noir, il pleut sur le Moulin rouge mais pas sur le Sacré-Cœur. Après la messe de Pâques, certains fidèles deviendront touristes et visiteront sûrement quelques bordels maintenant que confesse est passée !

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