Le porteur d’images

La nuit était encore noire et il pleuvait. Il aurait aimé voir un peu de jour avant d’aller bosser. Il aimait son boulot, ses potes trouvaient ça cool et lui aussi en fait.
Ce matin, il portait deux bobines sous le bras et s’inquiétait de cette pluie incessante. Il essayait de glisser les boîtes rondes et plates sous son imper sans grand succès. Il marchait vite. Quand il arriva, il posa les boîtes sur le sol, à l’abri, le temps de trouver les clefs. Il jeta un œil au ciel, toujours aussi sombre.
Il avait l’habitude du noir, il travaillait dans une salle obscure où défilaient sur un grand écran blanc les bobines de film qu’il était chargé d’enclencher dans le projo. Seul son outil de travail lui donnait un peu de lumière. Toute la journée, il enfonçait la bande de film, regardait à travers la petite fenêtre pour repérer le petit rond vide en coin d’écran qui signalait la fin de la bande et le début de l’autre. Il appuyait alors sur l’interrupteur pour faire partir la deuxième bande.
Il en avait porté des images dans sa belle salle de cinéma, il en avait vu défiler des films, des documentaires. Il avait vu les grands films à succès comme les navets.
Il avait entendu les rires, les reniflements et les froissements de mouchoir. Dans ces moments-là, il attendait un peu, par compassion, pour rallumer la salle. Sa salle.

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