A nos meilleurs moments

A la belle étoile et au coin du feu, ils étaient assis les uns à côté des autres. Cette famille peu banale dégustaient un barbecue composé de quelques merguez et côtes de porc assaisonnées.
Les plus jeunes s’amusaient à soulever la terre pour y ramasser des insectes, fourmis, gendarmes, araignées tout y passait. Les plus anciens, Jeannette et Jean, les grands parents comptaient avec les yeux, les étoiles disposaient dans le ciel.
La petite famille était contente de se retrouver. Il faut dire que cette année n’avait pas été de tout repos. Les inondations avaient saccagé la maison familiale et ravagé le terrain agricole. L’avis de décès de l’oncle Roger avait fini par boucler cette spirale infernale. Heureusement, les petits plein de vie, ensoleillés les journées des adultes empêtrés dans leurs soucis.
Ce soir, on profitait pour marcher, marcher lentement, observer, rire devant le spectacle qu’offrait le ciel. C’était un 14 juillet, et comme chaque année, le feu d’artifice illuminait et résonnait. Du bleu, du rose, du vert, du violet, des lignes, des courbes, des ronds, chaque forme prenait sa place et amusait les spectateurs. Tout le monde retombait en enfance, à ce moment-là. Les petits avaient arrêté leur chasse pour regarder le spectacle, tandis que les parents se blottissaient dans les bras l’un de l’autre pour se réchauffer.
Sophie à six ans, elle est la fille de Muriel et Paul et la petite fille de Jeannette et Jean. Son rêve est de devenir hôtesse de l’air. De voyager au quatre coins du monde, de découvrir des destinations que ses parents n’ont jamais vu.
Avec le terrain agricole, ils n’ont pas souvent eu l’occasion de partir en vacances. Leur seule escapade, en cinq ans, fût quatre jours passés à Aurillac chez un couple d’amis, et depuis plus rien.
Sophie, ne veut pas de cette vie, l’agriculture, elle le sait, ce n’est pas son truc. Elle se voit bien, malgré, son jeune âge, avec son tailleur et sa petite valise déambuler dans les aéroports.
Son frère ainé, Christophe, se moque d’elle lorsqu’elle imite les gestes de secourisme.
Lui a décidé de faire comme son père, dans la famille on est agriculteur de père en fils alors pourquoi changer. Et puis les voyages c’est bien beau mais si on n’a pas le temps de rentrer chez soi, de se poser, de construire une famille et de s’en occuper, à quoi bon ?
Tristan, le cadet lui veut être pilote de chasse. La première fois qu’il a vu un avion dans le ciel cela le bouleversa, alors il sait que lorsqu’il sera grand il s’engagera dans l’armée pour poursuivre son rêve.
Christophe se moque de lui aussi, pilote de chasse ? Il n’y a plus de guerre et puis la chasse est démodée, on aura tout vu, qu’ont-ils absolument à vouloir aller dans les airs, il ne manquerait plus que je devienne astronaute et ça serait le trio gagnant se disait-il. Mais non, lui voulait reprendre l’affaire familiale c’était plus prudent.
Muriel et Paul étaient fiers de leurs trois enfants. Il y en avait au moins un qui reprendrait leur affaire ou peut être avec un peu de chance et malgré les rêves des uns et des autres les trois enfants se réuniraient pour travailler ensemble. Paul avait récupéré l’affaire lorsque Jean avait fait un AVC et ne pouvait plus s’en occuper.
Il rendait visite à son fils sur les terrains chaque jour mais ne pouvait plus travailler la terre. Paul était fils unique, il n’avait donc pas d’autre choix que de reprendre le flambeau. Pourtant il avait voulu être photographe ou paysagiste.
Il adorait les photos et la nature, c’est d’ailleurs lors d’une exposition dans les villages voisins, qu’il avait rencontré Muriel et était tombé amoureux. Et puis les choses se sont enchainées, mariage et la naissance de Christophe, Tristan puis Sophie ont fini par achever ses projets.
Muriel n’a pas exactement la même vision que Paul. Elle souhaite voir ses enfants réaliser leur rêve.
Elle soutient chacun dans sa voie même pour la plus jeune. Elle sait que Christophe envisage de travailler avec eux mais s’il décidait autrement, elle en sera heureuse pour lui.
Elle ne souhaite pas que ses enfants se sacrifient. Elle voit son mari se démener comme une bête chaque matin au bord du burnout. Elle envisage d’organiser un voyage en famille, ils loueront un camping-car pour l’occasion et se rendront dans le sud non loin de Toulon, Bandol ou Six Fours les plages. Ce séjour leur fera un bien fou et permettra de réunir toute la famille. Alors sans ne rien dire à Paul, elle se renseigne sur les locations de caravanes, de camping-cars, sur les tarifs pratiqués dans les campings, elle prend toutes les notes nécessaires afin d’organiser le séjour, elle leur annoncera lorsque tout sera bouclé. Pas avant, cela porte malheur, car Muriel est superstitieuse et ne souhaite pas que la malédiction s’acharne sur ce voyage. Paul trouve qu’elle a changé, elle n’est pas comme d’habitude. On dirait qu’elle s’en va, c’est imperceptible mais elle s’en va. Muriel qui n’a d’habitude, aucun secret pour lui, a tout à coup des comportements étranges.
Elle se cachait pour téléphoner, faire des recherches sur Google. Elle jetait sont téléphone ou raccrochait au nez de son interlocuteur lorsque Paul ou les enfants s’approchaient. Mais qu’avait-elle ? se demandait Paul. Et c’est là que les choses avaient commencé à déraper. Serait-ce un autre homme dans sa vie ? Quelqu’un qui l’avait séduite ? Impossible ce disait Paul, hormis pour aller acheter le pain ou faire le ménage chez Madame Godefroy. Muriel ne faisait rien sans sa famille. Alors que pouvait-elle manigancer ?
Surtout que lorsqu’il lui demandait, elle répondait avec un ton évasif « Mais non rien chéri, il n’y a rien ». Paul n’y croyait pas une seconde. Il décida de questionner les enfants pour savoir s’ils en savaient un peu plus.
Mais rien, aucun n’avait d’explication sur les agissements de Muriel, Paul décida alors de la suivre lors de ses déplacements à la boulangerie et chez Madame Godefroy mais Muriel qui se doutait que son mari enquêtait sur elle, passait désormais ses coups de fils de chez Madame Godefroy. Elle finit par dénicher un camping-car à mille euros les deux semaines, une aubaine, pour celle qui voulait absolument réunir sa petite famille au complet. Ils partiraient au mois d’août pendant la période de vacances scolaires, descendraient par l’autoroute direction le sud.
Lorsque Muriel rentra à la maison ce soir-là Paul l’attendait bouillonnant à l’intérieur. « Que fais-tu Murielle ? Tu me trompes c’est cela ? Dis-moi si tu s un autre homme dans ta vie pendant que je m’épuise à la tâche pour nous faire vivre. Alors dis-moi qui est l’heureux élu ! »

« Camping-car » répondit Muriel d’un ton amusé. « Camping-car ? Un Anglais, un Américain ? Mon dieu mais Muriel tu me trompes avec un étranger hors tu ne parles même pas anglais ! Qui est ce Monsieur Camping-car, comment est-ce possible ? » Dit Paul l’air terrifié.
« Et bien, il est disponible, grand, confortable et surtout il ne coûte pas cher ! » répondit Muriel.
« Comment ça il ne coûte pas cher ? Que dois-je comprendre par-là ? Je ne coûte pas cher non plus, moi, tu te rends compte de ce que tu fais ? Et nos enfants, as-tu pensé à eux ? »
« Mais oui gros béta, j’ai pensé à eux, à toi et je t’annonce que nous allons partir en camping-car direction le sud de la France au mois d’aout, alors soulagé ? » enchaina Muriel
« Mais comment ça ? Je ne comprends pas, avec quel argent et puis qui va s’occuper du terrain ? » Fit Paul.
« Tes parents m’ont aidé à réunir la somme suffisante pour la location et puis j’ai pioché dans nos économies, ton cousin Rodolphe donnera un coup de main à ta mère pour s’occuper du terrain durant notre absence. Ce voyage nous en avons besoin, j’ai fait plus d’heure chez Madame Godefroy pour que nous puissions partir ».
« Je vois que tu as tout calculé, dans ce cas il ne nous reste plus qu’à l’annoncer aux enfants et à préparer nos bagages, sacrée Muriel, tu m’auras tout fait, mais je suis heureux de cette nouvelle. Nous allons pouvoir profiter tous ensemble » répondit Paul.
Ils appelèrent les enfants pour leur annoncer la nouvelle. Muriel commença. « Les enfants nous allons partir en vacances ».
« En avion ? » fit en cœur Tristan et Sophie
« Non, mieux que ça en camping-car » répondit Muriel
Sophie les yeux écarquillés demanda de quoi il s’agissait « Et bien c’est une maison roulante, on se déplace avec la maison accrochée » expliqua Paul. « Ah oui ! Comme un escargot ? » Demanda Sophie. « Oui, c’est cela comme un escargot »… « Ce n’est pas notre maison qui va rouler ? » s’inquiéta Tristan. « Non, non c’est une maison que l’on nous prête et dont il faudra prendre soin » indiqua Muriel.
Les enfants étaient soulagées et heureux de savoir qu’ils allaient enfin partir en vacances. Pour Sophie c’était d’ailleurs une première et la petite fille était déjà impatiente de pouvoir raconter cette histoire à ses copines. Tristan lui s’inquiétait pour ses poissons rouges et Christophe, l’adolescent, ne savait pas si cette idée de voyage lui plaisait ou pas.

Ce contenu a été publié dans Atelier Petits papiers. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire