Monsieur le curé – 20 décembre 2019

C’est le soir de Noël. L’église résonne du chant des fidèles. Avec ferveur, les voix des femmes viennent percuter les voutes pendant que les basses masculines s’enroulent avec abandon autour des piliers de la nef.

Monsieur le curé avec truculence agite ses bras pour battre la mesure. Ses mains dans des mouvements de danseuse accompagne les changements d’octave. Au début de chaque phrase, il symbolise la reprise de souffle par un mouvement de corps, un petit saut qui l’amène sur la pointe des pieds et provoque un balancement de sa soutane. Je découvre ainsi qu’il poste une paire de New Balance mauve assortie à sa chasuble. Chaque fois que le mot « Dieu » est dit, sa langue vient apparaitre sur la lèvre inférieure et d’un mouvement rapide de gauche à droite, il l’humidifie et puis sourit.

Tous sont à leur foi, chacun se débrouille avec la justesse de la mélodie, leurs regards sont tournés vers le Christ de bois doré au-dessus de l’autel. Je regarde cette collection de portraits singuliers, j’ai le sentiment qu’ils attendent l’éclair qui leur révèlera la voie. Le chant se termine, chacun est encore à son abandon. L’orgue se déleste de son dernier souffle. Il reste dans l’air, une résonnance qui bat, un nuage d’amour.

Soudain la porte claque en se refermant. C’est un séisme qui balaye toutes les croyances en suspens. Un bruit de pas vient ponctuer le silence soudain. Une femme de noir vêtue s’avance dans l’allée. Discrètement les fidèles la dévisagent, mi curieux, mi furieux de venir troubler ce moment de grâce. Elle s’arrête au premier rang et après une génuflexion, s’installe.

Monsieur le curé suspendu par la nouvelle venue, reprend son souffle, lisse son aube d’un geste de la main et d’un regard vers l’organiste, donne le départ du chant suivant.

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Une réponse à Monsieur le curé – 20 décembre 2019

  1. Sarah P-N dit :

    On ne peut pas mettre un pouce vers le haut? Zut.

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