Couronne de lauriers

Être son amant n’était pas de tout repos. Elle allait, elle venait. J’allais, je venais. Ses va-et-vient incessants étaient épuisants. Ils étaient beaucoup trop nombreux et surpassaient de loin le nombre de ceux que l’on terminait la tête enfoncée dans nos oreillers moelleux. J’aimais lorsque nous étions ensemble. J’aimais aussi lorsque je l’attendais au milieu du buisson de laurier rose. C’était le lieu de notre première rencontre. On s’était bousculés, on avait tous les deux les yeux fixés sur ce beau rose qui jaillissait. Il me rappelle celui de mon enfance, lui avais-je dit au lieu de la saluer, de m’excuser ou que sais-je encore. Moi aussi, m’avait-elle répondu. Et puis, au fil des jours, sans se le dire, nous étions revenus elle et moi à ce laurier à la même heure. J’étais ainsi devenu son amant après de nombreuses, trop nombreuses visites à ce cher laurier. J’allais. Je venais, chaque jour épris encore plus d’elle, vers ce doux laurier. Elle était devenue la dame au laurier rose.
L’amant de mes courtes nuits part en glissant sur mes pleurs sauvages. Sait-il seulement le nombre de larmes qui coulent chaque fois qu’il part. Les nuits étoilées m’accompagnent et me bercent. Je n’arrive pas à m’endormir. J’ai peur de sombrer dans un rêve qui ne se réalisera pas ou de plonger dans un cauchemar qui se réalisera. Dans mes draps frais, je sens encore l’odeur de mon amant. Il sent la chlorophylle. Il paraît que c’est apaisant comme parfum. Je remonte les draps sur mon nez pour sentir encore sa présence. J’enlace mon oreiller encore imprégné. Il aime mon corps rond. Il m’a dit un jour : l’obésité est à l’oreiller ce que la maigreur est à l’allumette. Je n’ai pas su comment le prendre. Puis, comme il a souri, j’ai souri. Je ne comprends pas toujours ce qu’il dit, mais je crois comprendre ce qu’il ressent. Je vais, je viens. J’aime quand nous sommes ensemble. J’aime aussi me retrouver seule. J’aime le retrouver au milieu du buisson de laurier rose. A ce moment-là seulement, j’arrive enfin à faire cesser mes pleurs. Nos rencontres se sont succédées, nos rendez-vous se sont rapprochés. J’entends son ronflement dans les bruits de la ville. Je m’éprends chaque jour toujours plus. Il est devenu l’homme au laurier rose.

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2 réponses à Couronne de lauriers

  1. Emmanuelle P dit :

    Je suis emportée ! C’est un tourbillon amoureux. Merci Marija.

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