J’invente une histoire

J’invente une histoire. Je dis le temps. Je dis le lieu. J’invente cette histoire aujourd’hui en épuisant hier, en attendant demain. Il fait froid ici. Le soleil joue avec l’automne en arrière plan, mais dans l’histoire il fait clair et deux humains marchent la main dans la main.. j’invente qu’ils se regardent, qu’ils se sourient. C’est un peu kitsch. J’invente du romantisme. Pourtant c’est plausible.. j’invente un déroulement non linéaire avec des flashs back sur des matins inquiets, parfois joyeux. Je pourrais classer leur première rencontre, banale ou originale. C’est selon. Quelques ombres au loin dans les feuillages. J’invente une histoire éternelle que je personnalise. J’invente une histoire par entendre dire dans l’enfance, une histoire pimentée de récits enjolivés par mes grand- parents. Cette Normandie où la guerre n’en finit pas. Les ruines, le sang partout. J’invente qu’ils ont peur mais ne le disent pas., attendant un après, espérant un ailleurs. J’invente des soupirs, des désirs. J’invente sans trop oser. Je connais la colline sous les bombardements alliés. Je connais la ferme où ils sont réfugiés. Je connais la cabane où ils se retrouvent en cachette. Elle existe encore. J’invente l’histoire de mes origines. Les parents, là-dessus, font toujours des secrets. C’est légitime, c’est leur monde privé. J’invente l’histoire du jour où ils m’ont faite, dans la dégringolade des bombes.. je dis ce qu’ils m’ont dit: »la vie a triomphé « j’invente une histoire trop jolie d’enfant née contre le désastre et la mort. J’invente pour ne pas en douter.

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Une réponse à J’invente une histoire

  1. aliette dit :

    merci pour ce texte qui me touche beaucoup
    Aliette

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