Perle, ma fille

Vous croyez vraiment que si nul convive ne fait le voyage, nous pourrons essayer de lancer à nouveau une invitation pour l’anniversaire de Perle ? Qu’est-ce que c’est compliqué en ce moment. Avoir 16 ans, juste en ce moment, alors que la grève des transports bloque les trains dans les gares. Mais Perle n’en a que faire, mon ami. Ce qu’elle souhaite, c’est que nous organisons sa fête, même s’il n’y a qu’un seul invité présent, ce Pedro dont elle se croit amoureuse. Car voyez-vous, mon cher Claude, elle est obsédée par ce jeune homme. Plus rien n’a d’importance à ces yeux. Elle est prête à faire toutes les folies pour le rejoindre. Notre fidèle domestique en tremble encore lorsqu’il l’a vu s’échapper par la fenêtre de sa chambre, en s’accrochant à la glycine pour sauter au pied du perron. Quelle jeunesse. Nous n’aurions jamais dû l’inscrire à toutes ses activités sportives. Elle escalade les murs, elle coure, magnifiquement je dois l’avouer, à longues foulées dans son petit short, au point que tous les garçons la regardent, et pas que les garçons d’ailleurs. Et il a fallu qu’elle s’entiche de ce jeune qui arrive d’Amérique du Sud. Où sont passés tous les bons numéros parisiens ? Ils se sont tus dernièrement. Je vous avouerai que je préférerai qu’ils reviennent rapidement pour lui faire tourner la tête vers une autre direction pour qu’enfin, elle puisse se dire, dorénavant je vais droit devant moi, plutôt que s’égarer dans des chemins de traverse qui ne mènent nulle part. Je me sens incapable de parler à Perle, pour lui dire de cesser ce petit jeu inutile car, enfin, ce Pedro, certes charmant avec ses boucles et ses yeux noirs, il n’a aucune place dans notre cercle.
Dites-moi, mon cher Claude, je passe à un autre sujet, avez-vous suivi mon intervention télévisée sur mon engagement à réintroduire la gallinette cendrée dans nos forêts du Centre de la France ?
Mais bien sûr, ma chère Myrtille, je vous ai trouvé fort convaincante, passionnée par votre sujet. Je suis sûr que tous vont comprendre l’intérêt de la présence de ce volatile dans nos campagnes. Je vous rappelle que notre engagement contre la présence de chasseurs dans nos sous-bois, était le sujet de mon article dans le dernier numéro du journal de la commune.
Effectivement, mon cher Claude, je m’en souviens fort bien. Mais j’ai peur d’aller à contre-courant. D’ailleurs, je suis presque sûre d’avoir aperçu ce Pedro avec un groupe de chasseurs au relais routier, ce repaire de « bois sans soif ». Vous imaginez, Claude, si Perle le suit dans cet endroit sordide ? Encore un combat à livrer pour l’envoyer courir sur d’autres chemins. Je suis lasse d’aller sur les routes sans avoir l’air de la surveiller, moi qui ne fréquentait qu’autoroute et nationales, me voilà…. Je me retrouve sur des départementales, au milieu de nulle part, où je me perds, sans réussir à m’orienter. Quelle angoisse, c’est aberrant.

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