Petite chronique des Dolomites 2

Ils étaient assis là, juste en face de la Marmolada, le plus haut sommet des Dolomites.Tranquillement ils se sont pris la main. Ils n’ont pas osé s’embrasser, pas certains de leur solitude. La crête blanche de neige scintillait au soleil, éblouissante. C’est à la fête de leur village qu’ils avaient découvert qu’ils se désiraient, peut-être même qu’ils s’aimaient. Osant à peine se l’avouer, à qui d’autre auraient-ils pu le raconter.

Dans deux jours leur village serait englouti, pour que le Duc puisse se vanter d’avoir réalisé le plus grand barrage des Alpes.Englouties leurs maisons, englouties leurs haies bien taillées. Des années plus tard les touristes ébahis verraient le bout d’un clocher pointer au- dessus des eaux. Les protestataires, les vieux qui avaient construit ces maisons de leurs mains, avaient été tabassés par la milice ». Chacun rentré chez soi, un silence morbide régnait dans la vallée.

ils ont pris un sentier à travers la luzerne, ils se sont regardés. Au bout du chemin ils ont osé s’enlacer et ils ont pleuré. Fin du mondé,  fin d’espoir pour eux ces deux garçons , glaneurs de catastrophes, collectionneurs de jeux interdits. Quand tout s’accumule, quand c’est trop, trop vite, trop tout en même temps, trop de tension, trop d’emotions. Ils sont retournés chacun chez soi, à des endroits opposés du village. Lui Frantz avec ses parents autrichiens, et lui Eduardo avec ses parents italiens. Eux, doublement Roméo et Juliette, eux doublement coupables.. l’espoir serait- il plus sage, plus évident que le désespoir dans ce village dont il ne resterait rien ?

quand l’eau libérée est arrivée au niveau des fenêtres et que leurs parents se sont mis à crier, ils ont commencé à monter vers la Marmolada. D’abord à plat puis avec la forte pente d’Escoldi. Ils se sont arrêtés à la vieille bergerie qu’ont venait de dégager.Ont-ils sauté, sont-ils tombés ?

En ces jours d’apocalypse, ô mes chères Dolomites, vous leur avez offert un bref refuge et un tombeau sombre et austère.Mais Peut-être en ces  heures dernières avez-vous,  de toute votre beauté, pacifié leur cœur.

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