Un instant de silence

Devant l’âtre de la cheminée, Léon se souvient. Le riz au lait d’Eglantine, les bals des dimanches à l’abri des sols pleureurs le long de la rivière. Il revoit la motte de terre recouvrant Tutu, son premier deuil. Il se remémore la joie de découvrir le chevreau quand Jérine a mis bas.

Il passe une de ces rares journées seul au coin du feu dans son grand fauteuil confortable, loin de l’animation de toute la maisonnée. C’est un petit homme, on ne distingue même pas le haut de son crâne.

En revenant de courses, les petits et les grands se pencheront un à un par-dessus l’accoudoir pour lui faire la bise, le tirant de ses rêveries avec leur tumulte.

Profiter du calme ambiant. Penser ou ne pas penser selon l’humeur. Juste se reposer ou bien plonger dans ses souvenirs ou encore tirer des plans sur la comète car paraît-il, on n’est vivant que tant qu’on a des projets.

Il fait bon dehors, Léon se lève et décide d’aller faire un tour au jardin. En passant dans le verger, il croquera peut-être une de ces pommes bien juteuses qui poussent ici depuis quinze ans, depuis qu’il a planté ces arbres avec Henri.

Il y a aussi des mirabelles et des cerises mais depuis que le grand-père est mort, on n’en fait plus d’eau de vie. Rosalie en fait parfois quelques desserts ou confitures mais juste quand ça lui prend. Elle n’est pas cuisinière dans l’âme ni femme d’intérieur. C’est son désir d’indépendance qui l’a toujours séduit chez elle, ça et ses yeux noisette.

Déjà le moteur de la voiture se fait entendre. La petite famille se gare. Il pourrait faire mine de bricoler sans les avoir entendu mais Madame ne serait pas dupe. Il apprécie tout de sa vie, le calme et l’agitation. Alors, il va plutôt les rejoindre pour aider à ranger les courses. Il cueille au passage de quoi faire un beau bouquet de lilas qui embaumera la salle à manger et quelques brins de muguet pour parfumer la cuisine.

Ils discuteront bientôt tous ensemble du repas à préparer. C’est lui qui s’y collera bien sûr. C’était presque toujours lui, et les enfants aideront sûrement. Ce sera alors au tour de Rosalie d’avoir son petit moment à elle.

Ils avaient toujours su décompresser pour ne pas que le climat à domicile devienne mortel. Heureusement, la maison était grande, même à plusieurs, il y avait toujours un petit coin tranquille où s’isoler ; ce qui fait que chacun parvenait à conserver une certaine liberté.

Auteur et artiste visuel née en 1990. Vit et travaille en région parisienne. Participe aux ateliers sous les toits depuis janvier 2018 pour le plaisir d'écrire et de partager un moment convivial. Publications dans les revues An Amzer Poésie, Bloganozart, Fantasy Art & studies et dans les ouvrages collectifs A-Marée (2015), Encuentro (2014), Bloganozart Editions, Les Fiches Canasucre volume I (2014) éditions Canasucre Productions. Parution en 2015 de Jacques Cauda, in Cauda venenum aux éditions Jacques Flament, biographie du peintre et écrivain Jacques Cauda, en co-écriture.

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