Un traitement de cheval

La vérité, c’est que tu veux survivre. Tu ne traces pas de mots, toi. C’est à peine si tu parles de ce qui t’arrive. L’heure n’est pas à l’urne, pas à l’éternité. L’heure est à la délicatesse irisée des feuilles de printemps qui frémissent dans l’air encore frais du matin. L’hiver n’est pas loin.
Tu m’as invitée à dîner l’autre soir. Champagne, volaille et légumes variés, vin et pâtisserie, tout y était et tu as commenté chaque tableau que tu avais accroché au mur, enfin. C’est long d’emménager, m’as-tu dit. De trouver à chaque chose sa place. Tu as maintenant une grande chambre que nous n’avons pas hésité à nommer la Chambre Royale, comme tes initiales accrochées à la porte du palier.
La vérité sur ton état de santé était aussi peu lisible qu’un mot écrit puis gommé sur une feuille de papier. Ne pas donner trop de place à la maladie. Parader en faisant un pied de nez. Un traitement ? Ben, oui, et dans un rire tu ajoutes : un traitement de cheval, même. Deux grosses piqures douloureuses, une dans chaque fesse.
Bon, continuons de découvrir les nouvelles installations. La petite table en merisier a bien trouvé sa place, sous la grande glace du salon. Celle-là, tu as tout de suite su où elle irait. C’est étrange cette maladie qui ne se fait pas sentir mais seulement connaître. Tu te sens parfaitement bien et tu comptes bien que ça dure comme ça.
Tu aimes habiter au-dessus de l’école élémentaire. La présence des enfants donne de la joie, tu trouves ça génial. Tu parles avec les gestes et moi je m’efforce de te suivre, d’avaler les nouvelles ; les digérer, on verra après. Je donne de la valeur à la vie qui est en toi. Je regarde un peu au-delà de l’horizon des toits, je plonge dans les nuages et mon regard se porte à nouveau sur toi : tu es merveilleusement verticale. Je rentre à pied, je respire l’air de la nuit. Ce soir, il n’y a pas de pluie.

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2 réponses à Un traitement de cheval

  1. Catherine Z dit :

    Je trouve magnifique cette approche de la vie. A travers ces mots , je sens la puissance de l’énergie de vie qui habite cette personne .
    Puissance des petits gestes du quotidien d’où perlent la beauté de la vie , du quotidien !
    C’est très émouvant .

  2. Cécile C dit :

    Merci Catherine pour ton message. Oui, la force de vie, c’est ce que j’ai voulu retranscrire et l’importance du quotidien.

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