A l’intérieur du silence

Dans le village, tout le monde m’appelle « La silencieuse ». Je ne sais pas si j’aime ce nom, mais j’ai finit par le faire mien. Au départ, je suis venue ici pour recommencer ma vie. M’inventer une nouvelle vie. Mon oncle m’a légué cette grande maison au milieu des roches et de la forêt. Le village est petit mais autour il n’y a que l’immensité. Le premier jour, j’ai joué la timide. Je n’ai pas parlé. J’ai juste voulu prendre possession de ce nouveau territoire. Le faire mien. Dans une autre vie, personne n’aurait dit de moi que j’étais timide. Pourtant ici, je ne sais pas, quelque chose m’a impressionnée. Et aucun son n’est sortit. Plus le temps passait et plus il était difficile de reprendre la parole. Mais personne dans ce village perché  n’a trouvé cela plus bizarre qu’autre chose. Je sais que chacun se demande pourquoi je ne parle pas mais ils gardent tous les questions pour eux. Ils m’ont tous acceptée sans le son. Je me questionne encore aujourd’hui sur le pourquoi. Pourquoi ce premier jour n’ai-je pas réussi à dire un mot ? Néanmoins, je sais pourquoi je n’ai jamais recommencé. J’ai découvert la liberté du silence. Il ouvre d’infinis possibilités. J’ai aiguisé d’autres sens. Développer d’autres techniques de communication. Appris à observer le monde autour de moi. Tout cela sans la distraction de la parole. Je suis devenue leur confidente, leur couturière, leur amie. Je me sens heureuse dans cette vie simple. Sans champagne, sans argent, sans parole. J’ai appris à reconnaître les bienfaits de ce morceau de terre dans les hauteurs. J’ai appris le travail manuel. J’ai appris l’entraide. Aucun ne me connait vraiment. D’où je viens. Ce que je pense. Ce qu’était ma vie avant. Mais il savent ma vie aujourd’hui. Mes actions au quotidien. Mon implication dans le village. Et cela leur suffit. Cela me suffit. Je crois qu’en me taisant, j’ai redécouvert le vrai sens des mots. Pas seulement leur sonorité mais tout le reste. Leur substance propre. C’est ainsi que je me suis mise à écrire. Tout ce que je ne disais pas avec la bouche, je le disais avec les doigts. Mais en prenant le temps. En étudiant. En agençant. En organisant. En regardant la montagne de ma fenêtre, j’ai découvert le bonheur d’écrire. En côtoyant les gens de la montagne, j’ai découvert la beauté de l’échange. En me taisant, j’ai trouvé la joie de dire.

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