Ça a plané pour moi

Samedi soir, je suis sortie.

 

Alors que le brouillard de la circulation tapisse l’atmosphère, des bouillies de discours inarticulés se superposent.

– Madame ? Vous m’entendez ? Serrez-moi la main !

– Putain, il n’y a personne dans les rues ! Comment elle a fait pour se trouver là ?

Le silence est d’or, c’est dimanche. Pourtant, dans une circulation lointaine comme le bruit des vagues, un bus relâche la pression.

– Tu crois qu’on peut la transporter ?

– Écoute, on ne sait pas ce qu’il s’est passé. A trois, on la soulève, dou-ce-ment.

Des mots précautionneux pour une opération délicate, une poignée d’ambulance qu’on ouvre.

Je voyage, je suis au-dessus de tout, la sirène me hurle dans les oreilles et m’éblouit de bleu. Je monte, encore plus haut. Au-delà des toits, il y a ce brouhaha léger et incessant. Ces voix qui m’appellent. Je n’ai plus mes lunettes, je ne reconnais pas les visages.

Je distingue une silhouette qui me ressemble. Le souffle léger du vent fait s’entrouvrir délicatement les pans de sa jupe. La femme ne marche pas très droit. Est-elle distraite par le silence du soir ? Elle est absorbée par le souvenir du rituel pluriquotidien : du rap français au lever, l’odeur de l’herbe dans l’escalier, et le jeune voisin qui fume son énième joint à la fenêtre. Ce soir-là, elle s’en fout, elle titube, elle ne sait plus pourquoi. Elle ne l’a pas entendu arriver. Elle a plané avant de retomber sur la chaussée.

 

Samedi soir, j’étais sortie. Je ne sais pas si la vie pour moi va redémarrer.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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Une réponse à Ça a plané pour moi

  1. Marija dit :

    C’est difficile de commenter celui-là car on pense forcément à quelque chose de grave mais si ça se trouve, c’est un simple malaise sans grande conséquence.
    En même temps, « elle » ne sait pas si la vie pour elle va redémarrer…
    J’espère qu’elle a passé un dimanche plus paisible.

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