Déconfite

Plus que quelques heures avant de pouvoir sortir. Elle qui a attendu ce moment depuis des semaines sent poindre une bouffée d’angoisse. Un vertige.

Elle contemple son reflet dans le miroir de la chambre. Petite mine blafarde et traits tirés. Elle prend son crayon pour se dessiner une ligne au-dessus de l’œil. Elle a perdu l’habitude, la main tremble et le geste est hésitant. Elle dérape, ferme la paupière dans une douleur réflexe. Ce n’est pas du maquillage, c’est une sortie de route jusqu’au sourcil.

Par la fenêtre ouverte, les nuages s’amoncellent, gris et menaçants. La météo s’accorde à son état. Ça gronde entre ses tempes et les parapluies n’y pourront pas grand-chose. Elle se sent fragile, telle une embarcation devant la vague qui va l’engloutir. Demain n’est plus si pressé. Elle s’est habituée à sa prison et n’a pas envie de la quitter tout de suite. Le dehors reste hostile et ce n’est pas son masque tissé main qui va la protéger des autres.

Le virus, quel meilleur alibi pour esquiver les contraintes sociales ? Elle vit bien dans son syndrome de Stockholm immobilier, entre sa chambre et son salon.

Par la fenêtre ouverte, la pluie est torrentielle. La Terre lave à grandes eaux avant le retour de l’envahisseur. Un dernier coup de propre avant de s’en reprendre plein la gueule.

Elle respire longuement, posément. Plus que quelques heures avant de pouvoir suffoquer de nouveau parmi les vivants.

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