– T’as vu ce bouton ? Je suis moche, non ?
– Arrête de te regarder tout le temps. A te comparer avec l’idéal du miroir, tu vas laisser ton empreinte sur le mur du difforme.
– Incroyable, c’est dingue ! Non mais, viens voir ! Le côté droit de ma moustache est plus court que le côté gauche.
– Normal, tu te regardes de profil. Illusion, mon chéri. Ta moustache n’est pas plus instable que ta façon de te voir. Je te l’ai déjà dit, mon poussin ; tu es ma-gni-fique !
– Mouais. Magnifique aussi bien que démoniaque. Stop ! Et là, tu vois quoi ? Maman, non ! J’ai 20 ans, et un cheveu blanc. Mais qu’est-ce que je vais devenir ? Tu l’as vu toi aussi ? Hein ? Tu l’as vu ? Là !!!
– Nicolas, ça suffit. Si tu as envie que je te dise que tu n’es pas beau, parce que, à force de t’user les yeux à te dévisager, tu imagines être aussi séduisant qu’un crapaud, eh bien, allons-y ! Je vais te le dire, mon lapin. Non seulement tu es très laid, mais en plus tu portes des chemises dont les rayures me donnent la migraine quand je les repasse. Je n’en peux plus ! Et c’est sans compter sur le poster de dragon que tu as sur le mur de ta chambre. Non mais tu as quel âge, Nicolas Renard ? 10, 12 ans ?… C’est le logo de ton club de Kung-Fu ? Evidemment ! Ca me fait une belle jambe d’avoir un rejeton qui se prend pour une sauterelle, un tigre, un ours, une fourmi, un mammouth, un… un…
– C’est bon, maman, on a compris. Allez, on rentre à la maison. C’est déroutant, toutes les conneries que tu débites, parfois. Y a de la densité… Allez, essayons de repartir en bonne intelligence. On efface toutes nos mauvaises idées. Attends ! Tu trouves pas que je suis mal coiffé ? Et la chemise ; par dessus, ou dans le bermuda ? Oh… je l’avais pas vu, tout à l’heure, ce point noir.
Le nombre de noms d’animaux que la mère utilisent pour Nicolas ! Qui en plus s’appelle Renard…
Et lui qui ne cesse de se regarder pour bien voir qu’il devient un homme.