Doux souvenirs d’enfance

Au loin, je vois apparaitre le chemin et le toit de la maison qui se dessine. Il reste encore quelques tournants de route mais je sais que ce n’est plus très loin. Je pourrais presque faire le chemin les yeux fermés. Je l’ai tellement fait petite. Dans la 2CV bleu ciel de ma grand-mère puis dans le 206 verte. Je m’arrête au stop un instant et contemple. Je ne sais pas vraiment quoi mais il me faut un moment. Il ne reste plus que deux tournants avant le sentier en gravier et il n’y a personne derrière moi. Pourtant je pourrais presque entendre ma mère me presser « Qu’est-ce que tu bouines ? Tout le monde t’attend. » Je prends une profonde inspiration et je repars. Quelques instants et mes pneus rencontre la terre boueuse du chemin. Et elle est là. Toujours à la même place comme si elle était éternelle. Cette vieille maison en pierre avec son appentis sur le côté gauche et sa grange à l’arrière. En face le jardin est toujours aussi garni et l’étendu d’herbe toujours autant entretenu. Comme si quelqu’un habitait toujours là. Si on veut être factuel c’est le cas, mon grand oncle habite toujours la maison à l’arrière de la propriété. Mais la maison en pierre, elle, est bien vide. Je n’arrive pas vraiment à me faire à ce vide. Je m’attends toujours à la voir sortir sur le perron et nous attendre. Cette petite femme voûtée avec son chignon de cheveux blancs toujours impeccablement fait. Et après en entrant, il y aura la pénombre et l’odeur du feu de bois toujours allumé peu importe la saison. Il n’y a qu’une seule pièce avec deux grands lits de chaque côté de l’âtre ouvert, une petite cuisinière à l’entrée, deux immenses tables au centre et de grandes armoires de grand-mère sur le reste des murs. Quand je sors de ma voiture, ce n’est pas ce que je vois. Il y a toute la famille mais pas elle. C’est rare les rassemblement depuis qu’elle est partie. Je souris, je discute, je prends des nouvelles mais je sais que l’âme de la maison n’est pas là. A l’intérieur, c’est le même décor et la même odeur et pourtant rien n’est pareil. A cet époque de l’année, avant, je serais entrée pour la voir préparer sa grande poêle en fonte à trous pour griller les châtaignes qu’on aurait ramassés. puis on aurait bu du chocolat chaud pendant que les adultes boivent du café. On aurait eu le droit de boire la dernière goutte dans le fond de la tasse. Puis on aurait été cherché des bâtons dans l’appentis avec ma grand-mère pour les faire brûler dans le feu. Assise au bord de l’âtre, avec mon frère, on aurait mis les bâtons dans le feu. Pour faire de la fumée, de la lumière ou dessiner au charbon par terre. Ou alors on aurait été joué à se poursuivre dans le jardin jusqu’à ressembler à des golems de terre. Aujourd’hui, il y a les bruits, le chocolat chaud, les enfants qui jouent dehors ou dans l’âtre. Mais ce n’est pas moi, ni mon frère. Les châtaignes sont grillés mais pas par elle. En regardant faire, je réalise la force qu’elle devait encore avoir à son âge pour manier cet ustensile.  Je suis heureuse et triste au milieu de cette maison. Je me souviens des moments  où on apportait son repas. Où je regardais les Feux de l’amour avec elle pendant que ma grand-mère préparait tout. Je me souviens très bien d’elle. Cette arrière-grand-mère aux cheveux blancs et aux innombrables histoires.

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