Entre observation et introspection

Joséphine essayait de faire passer le temps. Ce temps qui paraissait interminable. On lui avait ordonné d’assister à la cour cet après-midi. Elle savait qu’elle ne pouvait pas s’en défaire mais seulement 30 minutes et elle agonisait d’ennui. Pourtant, elle se devait de maintenir un air intéressé. Elle sentait le poids du regard de sa mère et de son père. Elle sentait le poids de leur attente surtout. Alors pour donner le change, Joséphine se mit à observer toute la pièce attentivement. Son cerveau enregistrait les paroles mais son esprit se distrayait des bizarreries de la pièce. Dans le coin gauche, il y avait cette tapisserie relatant la dernière grande bataille de sa lignée. La princesse avait toujours trouvé que la partie la plus intéressante était la sorcière maléfique qui avait attaqué le royaume. Magnifique aussi bien que démoniaque. Encore un décalage avec sa famille. Puis son regard erra sur le blason royal. Un dragon sur un mur. Le dragon protégeant le premier château du premier roi. Cela ressemblait aujourd’hui plus à une légende vu que personne n’avait vu de dragon depuis des siècles. Pourtant, Joséphine y croyait. La rêveuse de la famille. En passant son regard dans la foule pour inspecter le mur de droite, elle aperçut Lord Ruppert et sa moustache. Si longue et fine qu’on pourrait croire qu’elle va tomber à tout instant. Elle se balançait à chaque respiration. La jeune fille avait entendu un jour un barde qui lui avait composé une ode. « L’instabilité de la moustache ». Elle avait trouvé la performance particulièrement amusante et inspirée. Elle était la seule. Pour tous les autres, ce n’était qu’un mouvement de plus contre la royauté. Le mouvement de l’insulte. Le barde avait été bien entendu banni. L’éclat du miroir derrière attrapa son regard. Elle n’avait jamais compris pourquoi il était exposé dans la salle du trône. Le miroir difforme. L’instrument qui avait failli interrompre le règne de son arrière-arrière-grand-père. Il était aujourd’hui neutralisé mais restait une arme dangereuse. Joséphine se disait toujours que l’arrogance ferait leur perte. Laisser à la vue de tous l’instrument qui a presque renversé la royauté était stupide. Mais Joséphine avait abandonné depuis longtemps l’idée de l’intelligence de sa famille. Ils étaient tous bien trop préoccupés par le pouvoir. A côté de ce miroir destructeur comme en contraste se trouvait un bouquet d’innocents dahlias et iris. Les fleurs préférées de ses parents. Les dahlias fanaient doucement et au sol les pétales formaient comme un petit troupeau de moutons. Elle allait continuer son inspection quand elle sentit un coude s’enfoncer dans ses côtes. Son frère, intrus dans sa rêverie, lui lança un regard désapprobateur. Il n’était pas dupe de son stratagème. En réponse, Joséphine adopta un air de défi. Il ne releva pas et se détourna dans un soupir. Malgré tout, la princesse déploya des trésors enfouis pour essayer de s’intéresser à nouveau à la séance. Cela ne dura pas longtemps avant que son esprit ne s’égare à nouveau. Cette fois-ci dans l’infinie de sa mémoire. Elle avait toujours trouvé déroutant de ne se connecter à aucun membre de sa famille. Personne des ses parents ou de ses 2 frères ne la comprenaient. Ils étaient tous seulement focalisé sur le trône, le pouvoir et la vie de château. Alors que tout cela n’était qu’un poids pour elle. Une immense masse dont la densité l’écrasait un peu plus chaque jour. Elle rêvait de grands espaces, d’aventures, de bonheurs simples. D’une tout autre vie, en fait.

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