Histoire du soir

C’est l’histoire d’un yéti qui n’était pas très bien dans sa tête. Il se sentait bien seul tout en haut de l’Himalaya. Plus aucun touriste pour tenter de prendre un selfie avec lui, plus aucun alpiniste mué par l’envie de toucher le ciel.
Le yéti était assis sur la neige fondante, ses jambes poilues en tailleur, ses coudes appuyés dessus et son visage posé dans les paumes de ses mains. Il regardait au loin, comptait les nuages. Il aimait y deviner des formes : un jour, un nuage fruit, une pomme, un ananas et même des cerises entre plusieurs nuages ; un jour, un nuage voyageur en forme de voiture de course, de train de fret, d’avion.
Le yéti s’ennuyait tout seul là-haut. Cela lui manquait fortement de ne pas échanger avec le vieux sage érudit du village. Le seul être humain qui l’avait vraiment approché de près et avec qui il avait partagé une bonne tasse de café chaud.
Le yéti s’était amusé à compter ses nombreuses rides quand le vieux sage lui dit : « Tu n’as pas assez de doigts pour décompter tous les traits de mon visage. » Le yéti, pris en flagrant délit, rangea ses mains dans son dos et baissa la tête comme un enfant pris en faute. Le druide avait souri et l’avait rassuré : « Reste fier, yéti, tu n’as pas commis de faute. Tu es depuis de nombreuses années un enfant. Je sais que tu es parti du rif parce que tu y avais trop chaud et tu t’es installé sur les plus hauts sommets pour être plus près de Dieu. Cette fuite n’est plus nécessaire aujourd’hui, l’éfrit est resté là-bas et taquine d’autres espèces. J’ai entendu dire que les truies devaient se mettre à la diète pour échapper à ce mauvais génie. Tu as bien fait de mettre le pied à l’étrier et de venir jusqu’ici. Je te remercie de me tenir compagnie. Peu de gens ont aujourd’hui le courage d’escalader ces montagnes, encore moins l’envie de rendre visite à un vieux sage. »
Le yéti se rappelait quand le druide leur coupait des pommes à tous les deux puis comment il rangeait délicatement le couteau dans son étui au moment de partir.
Le yéti n’aimait pas la tiédeur qui s’installait, la neige coulait sur ses pattes velues. Le vieux lui manquait. Il aimait étudier avec lui. C’était un rite qu’ils avaient mis en place lorsque le vieux n’était qu’un petit enfant, il y a bien des années déjà. Ils s’étaient jurés, croix de bois, croix de fer, qu’ils se verraient pour édifier une vie meilleure pour eux deux, pour le monde entier. Oui, mais voilà, le vieux sage n’est pas venu aujourd’hui, il s’est tiré pensa le yéti qui entra dans une grande fureur.
La suite demain, bonne nuit, mon chéri, bisous, bisous.

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