La vérité comme un sac de couchage

La vérité est comme un sac de couchage. On aime s’y engouffrer quand les nuits sont froides même si on ne sait pas ce qu’elle contient. Elle cache peut-être des bêtes, des brindilles, des mouchoirs en papier ou une chaussette perdue.
La vérité est molle, la vérité est moelleuse, la vérité est douillette sauf quand elle est à même le béton dur, froid et sec. Elle a beau être, elle n’est pas assez pour protéger.
La vérité vient en dormant disait un vieil adage ou une vieille grand-mère du quartier. Les rêves révèlent. Reste à savoir quelle vérité interpréter. Celle qui vient du cœur ou celle qui vient de la raison. Les philosophes font pencher la balance vers la raison. Le siècle des Lumières a expliqué sa vérité. Est-elle toujours d’actualité ?
Ma vérité. Ta vérité. Quelle est la vérité ?* LA vérité est sûrement entre les deux, entre les deux perceptions, entre les deux interprétations d’un moment. Au détour d’une conversation, un tiers donnera sa version et la vérité se multipliera.
Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité. Qu’elle plaise ou non.
Je sais qu’on tait souvent la vérité, parce qu’elle blesse, parce qu’on a honte, pour une autre raison que j’ignore. A l’école, on nous a appris des choses, des choses qui devaient être vraies. Mais à l’école, on dit souvent des vérités qui arrangent. C’est le début de la propagande. Des enfants dociles, des enfants crédules, des enfants qui croient la vérité des adultes.
Des adultes qui leur disent, surtout ça reste entre toi et moi, tu ne le répètes pas, c’est un secret entre toi et moi. Que s’est-il passé dans ce sac de couchage ? La vérité éclatera un jour c’est certain, parce que l’enfant grandira. Encore faudrait-il qu’il comprenne cette vérité.
Il y a des vérités qui ne sont pas bonnes à dire. Il y a des vérités qu’on aurait préféré ne jamais vivre. Il y a des vérités qu’on voudrait laisser au fond d’un sac de couchage.
Mais la vérité court toujours. Elle se fraye un chemin. Elle t’éclate à la gueule quand tu ne t’y attends pas.
Il n’y a que la vérité qui blesse. Quelle lourdeur ce proverbe. Ça incite au mensonge, au non-dit, à l’hypocrisie.
Roule le sac de couchage, tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler. Tout le monde te le dit toujours depuis que tu sais aligner trois mots. Et si en fait, le premier truc que tu veux dire, c’est la vérité. Cracher la vérité. Cracher dans ses mains pour enlever la boue incrustée.
Je jure de dire la vérité, toute la vérité.
La vérité a une belle mélodie, une sonorité qui vient d’ailleurs. La vérité est mouvante, changeante. Aujourd’hui, je t’aime. Demain, je ne t’aime plus. Ça reste la vérité à un instant t.
Je me souviens de ce sac de couchage que nous avons partagé pour se tenir chaud. Les étoiles dans le ciel brillaient. Tes yeux plein d’amour pour moi étaient plein d’étoiles. Les journées ont passé. Les nuits aussi. Le désir s’est enfui. L’amour aussi. C’est aussi ça la vérité.
Le sac de couchage moisit à la cave, enfin s’il y est encore. Un vestige de notre amour passé.
La vérité c’est que tu m’as menti. Beaucoup trop menti. Mais ta vérité est ailleurs. Dans le mensonge, tu ne crois pas ? C’est un moyen comme un autre de comprendre pourquoi.

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à La vérité comme un sac de couchage

  1. aliette dit :

    J’adore ce texte, Marija, il est magnifique, il est tellement juste, et navigue entre coeur et raison et plus encore, merci beaucoup !
    Aliette

Laisser un commentaire