Le vieil arbre et l’enfant

Quand elle entendit son premier mais, elle croisa les bras énergiquement et fixa son regard droit devant. Elle était haute comme trois pommes, alors elle ne fixait ni le chat, ni ses parents. Elle plongeait ses yeux d’un bleu profond sur l’arbre de ses convoitises.
C’est à cause de lui qu’on lui avait dit mais. Elle voulait grimper, prendre de la hauteur, sentir son écorce dans ses paumes d’enfant, faire corps avec ce hêtre centenaire.
Déterminée, Elena s’était dit qu’elle prendrait le temps qu’il faudrait, qu’elle entendrait sûrement d’autres mais dans sa vie, même venant d’elle, mais qu’elle ne se laisserait jamais abattre. Son premier et dernier jamais.
Tous les matins, elle courait dans le jardin jusqu’à cet arbre majestueux. Elle caressait son écorce, lui parlait des rêves qu’elle avait faits la nuit d’avant. Avant de revenir sur ses pas pour prendre son petit déjeuner, elle lui disait tout bas : dis, tu me laisseras bientôt monter dans tes bras ?
Elena n’avait pas remarqué les nœuds qui se formaient tout autour du tronc. Chaque soir, le hêtre inspirait et expirait pour en faire sortir un.
Le matin de ses sept ans, Elena marchait lentement vers l’arbre, les cheveux encore ébouriffés, se frottant les yeux encore plein de sommeil. Le jour se levait à peine. Elle salua l’arbre en bâillant. Elle lui dit, je voulais être la première réveillée pour mon anniversaire. C’est ma journée et je veux en profiter le plus de minutes possible, le plus d’heures possible et même plus.
Elena enlaça le hêtre, colla sa joue contre le tronc et s’assoupit. L’arbre inspira et expira. Il berçait la petite Elena.
Lorsque le soleil émergea, il caressa le dos et les joues d’Elena. Le vent d’Est lui souffla doucement dans les cheveux et sur le visage. Elena se réveilla un peu déçue d’avoir perdu quelques minutes précieuses de sa journée d’anniversaire.
En s’appuyant sur l’arbre pour se redresser, elle sentit les nœuds saillants de son cher hêtre. Son visage s’illumina, son regard s’élança vers la cime de l’arbre. Lentement, elle posa son pied droit sur le premier nœud et sa main gauche sur un nœud un peu plus haut. Elle réussit à grimper quelques centimètres puis tomba.
Cette chute lui permit de prendre du recul et de mieux voir : les nœuds étaient réguliers et formaient un escalier. Elena inspira et expira. Elle monta doucement, délicatement dans son arbre préféré. Ses parents sirotaient leur café, le sourire aux lèvres, fiers de leur petite Elena.

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