Les lettres pourpres

Elle regardait l’escalier qui s’allongeait devant elle. Elle en voyait les premières marches jusqu’au tournant. Son pied hésitait. Tout son être hésitait. Elle se tourna vers la porte entrouverte dans son dos. Elle entendait les bruits de la rue. Les bruits de la vie. Puis le silence se faisait pesant dès qu’elle revenait face à l’escalier. Ses sentiments se mélangeaient. Elle était excité mais elle avait peur. Cette peur grandissante qui l’enveloppait de plus en plus. Quand elle les avait reçues, il n’y avait que l’excitation. Les lettres pourpres. Elles étaient arrivées il y a deux semaines et sous ses yeux tout avait changé. Elle savait que c’était un tournant dans sa vie. Elle en avait tant entendu parler et enfin c’était son tour. Elle secoua la tête pour remettre ses pensées en ordre. Ce n’était pas le moment d’avoir des doutes. Elle connaissait le bâtiment par cœur. Elle savait qu’il y avait exactement 52 marches avant son objectif. Elle les a monté des centaines de fois. Mais cette fois-ci au bout du décompte, il y avait ce qu’elle avait toujours voulu. Cette fois-ci, elle pourrait tourner la poignée e entrer. Cette fois-ci, elle y était invitée. Elle allait enfin pouvoir voir au-delà de cette porte qui a entrainé tant de fantasmes. Après une profonde inspiration, elle leva son pied droit pour entamer la montée. Le temps se suspendit alors et les secondes s’égrenèrent comme au son d’un goutte-à-goutte. Il lui sembla qu’un éternité était passé quand son pied rencontra la forme solide de la marche. Puis elle enchaina les pas, les uns après les autres. 5-10-20-40. C’était à la fois rapide et interminable. Elle refaisait la liste des conseils de sa grand-mère pour faire bonne impression. Elle sentait encore son parfum sur sa joue qu’elle avait embrassé avant de partir en lui murmurant : « Je te promets, tout va bien se passer. » En même temps, elle bloquait les remontrances et accusations de sa mère. Elle n’avait jamais compris l’obsession des deux pour cet endroit « infréquentable ». Mais pour la grand-mère et la petite fille c’était un lien qui était sur le point de devenir encore plus réel. Arrivée au deuxième étage, elle s’arrêta pour reprendre son souffle. Non pas physiquement, mais émotionnellement. En fac d’elle, les lettres ors brillaient sur la porte pourpre, comme les lettres qu’elle avait reçues. Roc Salière. C’était maintenant que tout se jouait. Elle avait l’impression d’accomplir sa destinée. Elle recentra ses pensées et approcha de la porte. A la fois accueillante et terrifiante. Elle leva la main qui ne rencontra que le vide quand celle-ci s’ouvrit. « Nous t’attendions. »

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire