Solitudes

Les passants avancent d’un bon pas, pressés d’arriver. Lui, personne ne l’attend. Il n’a pas d’endroit vers où se diriger, d’ailleurs il n’a aucun endroit à lui. Il n’a rien, juste un sac en plastique où il conserve ses rares trésors, un recueil de poésie trouvé dans une boite à livres. Il ne les lit pas, il ne connaît cette langue, mais rien qu’en le tenant dans ses mains, il sent une chaleur montée dans sa poitrine. Cela le réconforte, lui donne un peu d’espoir pour sa journée. Il sent qu’aujourd’hui, une personne lui offrira à boire et à manger.
Peut être cette femme solitaire qui arrive à l’entrée du jardin ?
Elle avance sereine, protégée par la voûte enneigée des arbres solidement ancrés dans cette allée du parc où elle vient se ressourcer tous les jours. Pour chasser la grisaille ambiante, elle a choisi de revêtir un ample manteau rouge qui dissimule ses formes et lui permet d’empiler autant de couches qu’elle le souhaite pour se protéger. Est-ce seulement du froid ? Certainement mais ce n’est pas que cela. La solitude l’étreint, le manque de contacts, de mains sur son corps, de bras autour de ses épaules la glace. Elle avance pour oublier qu’elle n’a plus d’épaules pour s’appuyer, de regards pour dialoguer. Elle redoute, alors qu’elle est à l’automne de sa vie, de rentrer dans l’hiver qui approche, craignant de voir les rayons du soleil glisser sur elle sans la réchauffer.
Une musique vient interrompre le fil de ses pensées.
Les notes de musique rebondissent sur le mur s’élançant vers le ciel à la recherche d’un appui. Mais seuls les oiseaux répondent à cet appel, jouant entre les vagues lancées par le violon. Ils hésitent entre piquer ou planer pour suivre le mouvement de l’archet. Ils ne se décident pas, ils attendent devant cette situation inconnue, un homme inconnu, un air inconnu. Méfiants ils sont. Comme le musicien, ils sont de passage. Ils savent que leur voyage n’est pas toujours un long fleuve tranquille en fonction des saisons. Alors, ils recherchent la sécurité, un endroit où ils peuvent se poser et se nourrir. Doivent-ils changer de route, de rythme ? Peut-être sont-ils tentés de le faire mais au fond d’eux-mêmes, ils savent bien qu’ils vont respecter les traditions de leur espèce. Et lui, le musicien, d’où vient-il ? Que cherche-t-il ? Où veut-il aller ?

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