La danse du stylo

Je regarde cette liste de mots infinie et pourtant minuscule. 14 mots, tous plus dissemblables que les uns que les autres. Je les tourne chacun dans ma tête pour essayer de lancer l’écriture. Chaque hypothèse est plus farfelue que l’autre. Et à chacune son antithèse. J’ai l’impression d’être témoin de la mort de mon imagination. Elle s’envole au loin tel un ballon dont on aurait lâcher la ficelle. Puis un bruissement me fait tourner la tête et je me retrouve nez à nez avec le chat qui atterrit gracieusement sur le bord du bureau. Sur sa tête trône une toile d’araignée emmêlée de feuilles. Mais où a-t-il encore fourré la tête celui-là ? A chaque fois qu’il revient, on aurait l’impression qu’il revient du fond du vallon. Avec des graines, des feuilles, des toiles d’araignée. Il me donne un coup de tête et puis saute dans son panier. C’est alors que je saisis l’inspiration. Je me sens comme un bédouin au milieu du désert qui trouve un oasis. J’attrape le silence omniprésent, l’instant plus bruyant que le vrombissement des voitures. Et tous ces mots qui ressemblaient à une montagne quelques secondes auparavant s’alignent comme un parterre de coquelicot qui jaillirait de l’asphalte. Je me rends compte que le texte n’a surement que peu de substance et pourtant mon stylo ne peut s’arrêter. Il enchaine les lignes et les mots. Il devient le roi omnipotent de ce texte. Comme si c’était lui qui dirigeait et non plus mon cerveau. Ou peut-être est-ce un tandem ? L’un étant l’écho de l’autre. J’ai tout simplement décider de sortir de la réflexion et de me plonger dans l’instant. Avec ce déclic, le stylo survole la feuille. Il saute de ligne en ligne sans s’arrêter. Je ne sais pas si je dois m’offenser de ce scénario et de ce texte sans sens ou être attirer par cette plongée sans filtre dans ma pensée. J’ai l’impression d’être comme suspendu au-dessus du vide. Attendant le prochain mot, la prochaine phrase pour comprendre où tout cela va. Surement nulle part au final. Mais peut-être est-ce le chemin qui est important et pas la destination ? J’esquisse un sourire en voyant cette phrase sur la page. Le retour ! J’ai comme l’impression que la source commence à se tarir. Doucement mais surement. Pourtant il me reste deux mots à caser. Coqueluche, mais vraiment je pensais à quoi. En même temps, je viens de l’écrire du coup. Si je suis honnête avec moi-même je n’aurais pas vraiment pu mieux faire avec coquelicot. Je sens que ma main commence à cramper un peu et pourtant le moteur repart de plus bel. Le stylo glisse sans pause sur le papier. J’adore ce son et ce visuel. Le grattement du stylo sur le papier. La page blanche qui se noircit de plus en plus. C’est extrêmement satisfaisant. C’est étrange j’aime autant écrire à la main qu’à l’ordinateur. Il y a aussi le son et le visuel. Le cliquetis des touches et toujours la page qui se noircit. Et pourtant cela ne provoque pas le même sentiment. Enfin pas tout à fait. Avant de pouvoir examiner cette pensée, la sonnerie retentit. Il est temps de reprendre le cours de sa vie.

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