Le Rocher rouge

Le Rocher Rouge. C’est un tableau caractéristique de Cézanne, considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre de la maturité du peintre. La Provence, les paysages désertés des carrières de Bibémus, à proximité d’Aix-en-Provence, la montagne Sainte-Victoire jamais très loin, la végétation, le vent dans les feuillages et cette touche de peinture si particulière à Cézanne.
Ce tableau, je l’avais découvert il y a très longtemps. Je venais voir les Nymphéas de Monet au Musée du jeu de Paume. Et au bout d’une longue galerie, il y avait ce tableau de 1895, magnifique, qui arrivait après les pommes, les natures mortes et les portraits. Les dernières années de la vie Paul Cézanne.
Je l’avais oublié. Et puis l’été dernier, je l’ai retrouvé dans une exposition au Centre Pompidou, Préhistoire, une énigme moderne. Surpris de découvrir Cézanne dans une expo consacrée à la Préhistoire. Il me fallut un peu de temps pour comprendre le pourquoi de ce tableau ici.
Au XIXe siècle, la modernité en peinture apparaît au moment où l’on découvre la préhistoire. On découvre les grottes de Dordogne, on découvre les peintures sur les parois de pierre. Et les peintres sont fascinés par ces découvertes et ces repères historiques que l’on ne connaissait pas.
Et là, dans l’exposition, je remarque un détail dont je n’avais pas souvenir. Le petit rectangle blanc en bas à gauche du tableau.
Je ne comprends pas ce que c’est. Je reste devant, en regardant précisément cette touche de couleur, persuadé qu’il s’agit d’une histoire d’équilibre. Car bien évidemment que le rocher rouge, à droite, prend énormément de place. Quasi géométrique, on ne comprend pas qu’il s’agit d’un rocher. Quelque chose d’abstrait qui vient se superposer, brutalement, à un paysage provençal.
On ne comprend pas plus ce petit rectangle clair. Alors on s’enfonce dans le tableau. Le chemin de terre ocre au premier plan. On s’aventure sur ce chemin pendant que le vent bruisse dans les feuilles. Tout est en mouvement, tout bouge. Et le rocher rouge stabilise l’ensemble.
En m’approchant encore un peu plus de ce rectangle blanc, je vois une simple trace de pinceau. Simplement poser une touche de couleur. C’est de la peinture sur de la peinture. Cela attire le regard et trouble. Je me retrouver pris entre deux éléments. Rocher rouge d’un côté et touche blanche de l’autre. Entre les deux, un paysage mouvant, en Provence, l’été. Un équilibre miraculeux. Fragile. On imagine Cézanne devant sa toile, sentant qu’il faut rééquilibrer, posant une touche de couleur, prenant le risque de tout casser, tout détruire.
Cette tache blanche comme un élément inscrit dans la toile, en sommeil et qui n’attendrait que mon regard pour dégager une énergie stabilisante qui va envahir tout le tableau.

Ce contenu a été publié dans Musée-Ecriture. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Le Rocher rouge

  1. Emmanuelle P dit :

    Merci pour la leçon d’histoire et cet éclairage.

Laisser un commentaire