– Quoi, Que t’est-il arrivé encore ?
– La montée des araignées, j’te dis !
– Hein ? En plein hiver ?
– Et oui que j’te dis et même la nuit au Mont Saint Michel.
– T’aurais pas mangé un peu trop de galettes, toi ?
– Ben, chais pas. La boîte est jolie, tu trouves pas ?
– T’abuses, frérot, tu sais bien ce qu’il a dit le docteur.
– Ce charlatan ? Il vient nous voir une fois par semaine avec des pilules de toutes les couleurs. A chaque fois, je lui demande les bleues, il me dit la prochaine fois ce con !
– N’empêche, il t’a dit d’arrêter le sucre et le beurre, et toi, t’as bouffé toute la boîte de galettes.
– Mais non. Regarde. Elles sont dans ma table de nuit. C’est pour ma chérie, quand le doc me refilera les pilules bleues…
– J’voudrais pas te démotiver mais les pilules bleues, ça fait bien longtemps qu’ils en donnent plus.
– Viens voir. Chuis de mèche avec l’infirmière. Je lui refile mes boîtes de chocolat et de caramels contre quelques pilules bleues. Elle est cool, Emma. En plus, elle essaye de me monter le coup avec ma chérie.
– Ah parce que t’en es où ? Et puis, c’est qui d’abord ?
– En fait, c’est un peu chiant parce que le dirlo, il a décidé, pour une raison à la con, qu’à la cantine, il y aurait un service pour les filles, un service pour les gars. Soi-disant pour ne pas trop faire monter d’envie et de désir.
– Ah ouais, sans déconner, c’est dur ça ?
– Comme si à nos âges, on n’avait plus d’envie et encore moins de désirs. Quelle bande de cons !
– Alors c’est qui ta minette ?
– Georgette mais tu le répètes à personne sinon j’te pète la gueule.
– Georgette ? Ouah, t’as pas choisi la plus moche !
– Ben non, c’est ce que j’te dis, c’est pas parce qu’on est vieux qu’on n’a plus de goût, ni goût à rien. Le doc, il va falloir qu’il comprenne vite fait bien fait.
– Et Emma dans tout ça ?
– C’est une infirmière super sympa. Déjà quand je lui dis que je ne veux pas de piquouses, elle me dit ok. Pour les médocs, c’est pareil sauf quand j’ai vraiment trop mal. Mais bon, chuis un bonhomme. Même pas mal, tu vois. Mais je t’avouerais que j’aimerais bien avoir moins mal à la hanche pour conclure avec Georgette.
– T’es taré, mon pote.
– C’est ce qu’on veut nous faire croire Pierrot, c’est ce qu’on veut nous faire croire…
– Albert, blague à part, il faut que j’te parle.
– Vas-y, j’t’écoute.
– Non mais c’est sérieux, mec.
– Ben oui, vas-y, shoote.
– Albert, j’peux compter sur toi ?
– Pierrot, crache le morceau !
– J’ai un truc à te demander. Mais tu me promets que tu ne vas pas péter les plombs.
– Je ne peux pas te promettre tant que je n’ai pas entendu ce que t’as l’intention de me dire.
– Ok. Bon voilà. J’ai commencé à construire ma future maison.
– Quoi ? C’est quoi ces conneries ?
– Attends, j’t’explique. Voilà, avec Maurice, on est allés faire un tour au cimetière.
– Putain, Pierrot, fait pas chier, ça me fout les jetons !
– Je sais Albert, mais sans te spoiler, on va tous y passer. C’est pour ça qu’avec Maurice, on y est allés pour faire du repérage. Et on a trouvé un coin super sympa, sous des arbres.
– Ouais, et ?
– Et, on a décidé de se construire une maison sur les tombes du cimetière. J’ai lu ça dans un bouquin qui se passe en Inde. J’ai trouvé l’idée plutôt fun.
– T’es pas bien ou quoi ? Tu veux que je sonne Emma pour qu’elle te file un cacheton ?
– Mais non, ça va, t’inquiète. Je prépare le terrain, tu vois.
– Pourquoi tu me racontes ça ? Tu sais très bien que c’est un sujet banni, interdit.
– Je sais Albert, parler de la mort, ça ne t’éclate pas autant que parler d’amour.
– Pierrot, tu vas te prendre mon poing sur la gueule.
– Avec ton arthrite et tes rhumatismes ? Ouh, j’ai super peur !!
– Pierrot, arrête de me chauffer.
– Ça, c’est sûr, tu préfères te faire chauffer par Georgette !
– Espèce de jaloux !
– Albert, Albert. Toi et tes rêves d’ado attardé. Laisse-moi t’expliquer avant de t’emporter comme ça.
– J’t’écoute.
– On va construire une maison sur les tombes et on aura chacun sa chambre avec un coloc sous terre comme ça, on ne sera jamais seuls. Quand elle sera finie, on va tous se barrer d’ici et y habiter. Enfin, les mecs cools et sympas. Oui, et les minettes aussi. J’ai pensé à toi, t’inquiète.
– Pierrot, mais vous êtes des génies ! Je peux en parler à Emma ?
– Ben, en fait, j’préfèrerais pas.
– T’inquiète, elle est super discrète et en plus elle pourra nous fournir.
– Albert, t’es sérieux là ? Tu voudrais lui proposer d’être notre dealeuse ?
– C’est ça, t’as tout compris ! Je suis sûr qu’elle va être d’accord. La gériatrie, elle m’a dit ça une fois, c’était pas son premier choix. Elle pensait que les vieux ça râlait tout le temps, ça pleurait tout le temps, ça puait aussi. Tu sais, on dit bien « ça sent le vieux ! ». Franchement, depuis que je suis vieux, cette expression m’horripile. Est-ce qu’on dit « ça sent le jeune ! ». Ben non, on dit « ça sent la chair fraîche ! ». Dégueulasse, si tu veux mon avis, purement dégueulasse. Depuis quand on est cannibales ?
– Albert, Albert, tu t’égares là ! T’es sûr qu’on peut lui faire confiance à Emma ?
– Mais oui. C’est elle qui passe mes lettres à Georgette. Je crois qu’elle adore voir ma tête quand elle me donne la jolie lettre de réponse. Tu sais, Pierrot, Georgette écrit à l’encre violette. C’est très joli, comme la boîte de galettes. Et puis Georgette, quand elle écrit, elle sublime le propos.
– Tu me feras lire une de ses lettres ?
– Ça va pas la tête ou quoi ? C’est super perso, super intime.
– Ah pardon, ça me donnait juste envie de lire autre chose que les journaux défraîchis qu’on nous laisse ici.
– Et ton bouquin qui t’a donné l’idée de la maison sur les tombes ?
– Je l’ai caché là-bas pour ne pas laisser d’indices.
– Ah ouais, pas bête !
– Albert, tu sais avec Maurice, on a presque fini. Tu voudrais bien venir voir ce que ça donne.
– Chiche ! Et comment on fait pour sortir ni vus ni connus ?
– C’est là que j’ai besoin de toi, pour fixer la stratégie.
– Il nous faut combien de temps pour arriver à ton endroit ?
– Avec ou sans déambulateur ?
– Pierrot, mon poing sur la gueule, je te préviens.
– Je déconne. Y a trop de pavés de toute façon avant d’y arriver. Donc je dirais 15, 20 minutes aller. Pareil pour le retour.
– Et le doc, il est censé passer quand ?
– Ben, c’est ça le problème, on l’a pas vu depuis quelques temps. Y a une rumeur qui dit qu’il ne revient plus parce qu’il se tape une infirmière au lieu de faire sa ronde.
– Ah le cochon ! J’espère que ce n’est pas Emma. Ou peut-être que si, ça serait bien que ce soit elle. Elle arrivera peut-être à le convaincre de distribuer des pilules bleues.
– Albert, t’arrête avec ta fixette de pilules, là ?
– Ouais, t’as raison. Ok, je me renseigne. Si c’est Emma, elle va s’occuper de lui un peu plus longuement pour qu’on ait le temps de faire l’aller-retour.
– Et si c’est pas elle ?
– Et ben , je lui dirai d’enfermer les deux zigotos et de jeter la clef. Comme ça, le temps que les pompiers arrivent, défoncent la porte, que le doc remonte son pantalon, que l’infirmière reboutonne sa blouse, on aura même eu le temps de fleurir les tombes !
– T’es génial, Albert. Génial !
– Ouais, je sais. C’est une info à faire passer, ça.
– A qui ?
– A Georgette, ducon !
– Ben oui, où avais-je la tête ?
– Bon, Pierrot, on fait comme ça : Emma est dans notre camp. Je la briefe et on voit quand on peut faire le p’tit tour.
– Parfait, parfait. Dis, Albert, tu veux vraiment pas me lire un peu de tes correspondances avec Georgette ?
– Tu me promets de ne pas te foutre de ma gueule et encore moins de celle de Georgette ?
– Mais non, tu crois vraiment qu’on perd son romantisme en vieillissant ?
– Moi, non. Toi, je sais pas. J’t’ai jamais entendu parler d’amour. Tu parles toujours de la mort. D’ailleurs, c’est à se demander comment on peut être potes tous les deux.
– C’est pas comme si on avait vachement le choix.
– Oui, c’est vrai, c’est pas con comme raisonnement. Ça me fait penser à ma grand-mère qui, après avoir perdu toutes ses copines, a dû sympathiser avec la seule grand-mère du quartier, sa belle-sœur avec laquelle elle ne s’entendait absolument pas. Comme quoi, passés 80 ans, on devient peut-être plus tolérants.
– Bon alors, tu me lis les lettres ? Enfin, ce que tu considères être lisible à haute voix. Je t’autorise à censurer les passages olé olé. S’il te plaît, Albert, mes yeux ne voient plus très bien et mes oreilles aimeraient écouter de jolies histoires.
– Pierrot, t’as un sacré toupet. Tu vas pas non plus me faire pleurer !
– Mais non, juste un peu de rêve, ça me ferait du bien.
– Ok. Mais je te préviens, Georgette, elle a la classe, elle a tout pour elle. T’as pas intérêt à tomber en amour pour elle !
– Lis, Albert, lis.
– Attends, j’ai un peu de mal à ouvrir l’enveloppe. D’habitude, c’est Emma qui les ouvre et même qui me les lit. Passe-moi mes lunettes.
– Tiens.
– Hum. « Mon cher Albert, votre courrier m’a émue au plus haut point. Je ne saurais vous décrire les émotions qui m’ont envahie. Des émotions que je croyais perdues. Je vous remercie pour vos mots, vos élans. Je me suis envolée, portée par le vent »…
– Euh, Albert, elle te vouvoie Georgette ? C’est curieux, non ?
– Pierrot, franchement ? Qu’est-ce que ça peut te foutre qu’on se vouvoie ? Oui, on se vouvoie. Exactement, ça te pose un problème ?
– Ben, non, mais pourquoi, je ne comprends pas.
– La séduction, t’es con ou quoi ? J’ai envie qu’elle croit que je suis un homme bien sous tous rapports. Bien élevé et tout et tout.
– Mais tu lui mens !
– Non, je cache une partie de la vérité.
– Ben, c’est pareil, tu mens.
– Pierrot, Pierrot, mon poing sur la gueule…
– Albert, tes menaces ne me font pas peur. Et puis, tu sais très bien que j’ai raison sinon tu voudrais pas me foutre ton poing sur la gueule.
– N’importe quoi !
– Mais si, j’ai raison et puis, à nos âges, on devrait quand même avoir compris qu’on n’a plus de temps à perdre avec des mensonges, des non-dits et de l’à peu près. Vas-y franco, Albert. Chuis sûr que Georgette, elle t’aime bien et qu’elle sait très bien quel genre de bonhomme tu es.
– Ça veut dire quoi ça ? Qu’est-ce que tu lui as dit ?
– Ben rien. Je ne savais même pas que c’était ton crush.
– Mon quoi ?
– Ton crush. C’est mon petit fils qui m’a appris un nouveau mot. Ah ces jeunes. Toujours à vouloir réinventer la vie.
– A leur âge, on a sûrement fait pareil.
– Ouais c’est vrai. Tu sais, j’aime bien quand il vient me voir le petit.
– Ouais, c’est cool quand on a des visites.
– Il me raconte toujours des trucs rigolos. Il a toujours l’impression que chaque événement qu’il vit le mène « au bout de sa vie ». Ça aussi, c’est une de ses expressions. En plus, il ne se rend pas compte que moi, je suis au bout de la mienne.
– Pierrot, mon…
– Poing sur la gueule, je sais. Mais, tu sais, le petit, il me raconte ses histoires d’amour avec des filles, des gars. Il ne sait pas encore bien. Et puis, ils me font rire ces jeunes avec leur façon de s’accoster : je m’appelle machin truc, j’ai tel âge, je suis hétéro, homo, bi, je suis végétarien, flexitarien, vegan et patati et patata.
– Pierrot, de quoi tu parles ?
– Ben de notre société qui devient folle à vouloir s’identifier sur sa sexualité, sur sa façon de manger, c’est vraiment n’importe quoi !
– Pierrot ?
– Oui, qu’est-ce qu’il y a ? T’es pas d’accord ?
– Si, si, mais en fait, comme j’ai pas assez de dents, je suis juste bien content quand je peux manger quelque chose de bon.
– Ouais, c’est vrai.
– Je peux continuer de lire ?
– Vas-y, Albert, vas-y. Mais promets-moi que tu arrêteras de lui conter fleurette.
– Pierrot, la séduction, ça fait aussi partie de l’amour.
– La séduction oui, mais pas le mensonge.
– D’accord, je ferai un effort pour ne pas trop embellir ma vie.
– Albert, t’as pas compris. Il faut au contraire que tu continues à embellir ta vie.
– Franchement, Pierrot, je ne te suis plus.
– Laisse tomber Albert, lis.
– Ok. Na na na na na ah voilà j’en étais là. Ah ça non je ne peux pas te le lire. Ça non plus. Ça, oh la la, trop drôle, non, non, ça non plus.
– Albert.
– Attends, je tourne la page. Ah mince, l’encre violette a un peu bavé.
– Albert, tu le fais exprès ?
– Non, non, voilà, voilà. Ça, je peux te lire. Tu vas voir comme ma Georgette est une femme formidable.
– Attends, je me cale sur le fauteuil et je ferme les yeux. Vas-y, je suis prêt.
– Voilà : « Mon tendre ami, j’aimerais avec et auprès de vous courir après les souvenirs avant qu’ils ne s’éloignent trop ».
– Le gros lot, Albert, t’as gagné le gros lot.
– Tu sais, Pierrot, y a pas d’âge pour aimer et être amoureux.
– Je sais, Albert, y a pas d’âge pour mourir et être enterré.
– Pierrot, on va se changer les idées et aller visiter ta nouvelle maison, tu veux bien ? La pluie s’est arrêtée et un rayon de soleil nous y invite. Tu viens ?
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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Quelle belle conversation! On aurait aimé y être. c’est à la fois plein d’imagination, plein de concret, plein d’émotions. bien réussi!
Merci Sylvie pour ton retour, c’est super gentil.
Contente que le dialogue t’ait plu 🙂