petite chronique des Dolomites 5

C’est une photo couleur Sépia. On devine au modulé des couleurs que la neige étincelle et que le ciel est très bleu. Vertes aussi les prairies en contrebas. C’est une photo couleur sépia. On y voit quatre skieurs portant de longs skis en bois.  Les femmes sont vêtues de jupes longues et tous ont aux pieds de grosses chaussures qui semblent inconfortables.. Derrière eux des sommets blancs et quelques courbes sombres. Sous leurs pieds le sentier disparaît.. Bien des années plus tard une photo en couleur. Un groupe d’amis sur un sentier caillouteux. Le soleil n’est pas encore trop fort. Les plus jeunes portent de l’eau pour les plus âgés. Les chaussures de marche achetées à Bolzano sont légères. Le même sentier, la même  ambiance joyeuse. Ils rient,s’ebrouent, se taquinent.

Rien n’a changé, tout à changé. Immuable la montagne et les chemins abruptes, le bruit lointain des cloches qui se balancent au cou des vaches et des chèvres. Nouveaux sans doute ces troncs d’arbres sculptés, ce parcours de santé pour les enfants. Sur un panneau de bois une affiche rouge et verte. Des phrases aigre- douces qui mettent à nu des problèmes linguistiques.

c’est un vieux conflit, celui de terres rattachées de force à d’autres sur fond de carte sur une table.Au bon vouloir des vainqueurs. Le groupe d’amis fera la même halte dans cette cabane aménagée en café. Le même plaisir jadis ou maintenant, de boire et de manger après la grimpette.les mêmes gestes pour s’éponger Le front, retirer son blouson, dénouer une écharpe, manger une tarte aux myrtilles. Sahne or not Sahne.

En contrebas d’énormes pelleteuses rouges mettent la terre à nu, ouvrant des plaies ocrées  dans la pierre millénaire. Ô mes chères Dolomites l’avidité des hommes, leur envie de toujours plus de cafés, de téléskis, de béton , te fouilleront- elles à grands bruits ? Le ruisseau sera détourné. Les églantines importunes seront jetées dans une grande benne.

Ô mes chères Dolomites les hommes finiront- ils par détruire tes érosions harmonieuses? Le temps y va tout doux mais les hommes creusent à vif, fracturant, démembrant, indifférents aux futures catastrophes, avalanches, glissements de terrain. Finiront-ils par combler les terriers des marmottes joueuses ?

Il Au loin, à peine visibles dans les jumelles, des bouquetins gambadent d’un rocher à l’autre. Un rollier  aux plumes bleues s’envole sans bruit. Ces petits riens tellement fragiles sont notre seule éternité

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3 réponses à petite chronique des Dolomites 5

  1. Sylvie W dit :

    drôlement beau et évocateur. (on ne sent pas les ratures ou hésitations… tout coule fluide Monique!)
    On y est et on voudrait aussi protéger cette nature pour laisser de la place aux souvenirs de nos futures générations.
    Bravo

  2. Françoise L dit :

    Monique, je t’ai entendue parler en atelier de tes Dolomites et donc suis allée lire ton écrit. c’est vif, imagé, gai et poignant aussi de nostalgie et de montagne blessée … J’aime beaucoup.

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