Disparition

Plus rien. Un grand ciel vide, bleu noir, s’étendait au-dessus des jardins, du soir au matin, moucheté de temps à autre par quelques insectes qui ne se rendaient pas compte qu’ils n’auraient pas dû survivre à l’obscurité.

Plus de petits croissants dentelés découpant la pénombre laiteuse des soirs d’été, plus de chorégraphies volantes déstructurées, hâtives, où des ailes semblaient rebondir d’un mur à l’autre d’une pièce invisible.

Les chauves-souris avaient disparu. Plus aucune n’apparaissait, même dans les fermes où d’habitude elles festoyaient, happant les grappes de moucherons égarés. Plus rien à des kilomètres à la ronde.

Les conjectures allaient bon train. Certaines histoires, enfermées dans l’inconscient collectif depuis des décennies refaisaient surface, et avec elles une odeur renfermée, de poussière et de peur, de mystère et de bois pourri. On disait que les rayons de la Lune étaient devenus mauvais, et qu’ils tuaient les serviteurs de la nuit. On disait que sa lumière maléfique enflait les cours d’eau, et qu’en un instant ses bras humides arrachaient les bêtes qui volaient trop bas et qui s’étaient approchées de l’eau, mirant de trop près la rondeur de l’astre froid.

Et puis les histoires s’étaient taries, le flot de paroles s’était réduit, comme une mare asséchée. On restait sans nouvelle des chauves-souris. On se disait que, tels les oiseaux migrateurs, elles avaient décidé de voleter ailleurs.

Un soir pourtant, un de ces soirs frileux de septembre qui annonce l’automne, une silhouette se découpa dans le ciel. Une longue queue lui servait de balancier. De grandes ailes, telles une cape, partaient de ses flancs. Avec une souplesse toute féline, elle se posa sur le toit d’une ferme. C’était un chat volant. Un chauve-chat.

On sut où étaient passées les chauves-souris.

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