Irma

Agoraphobe depuis sa plus tendre enfance et misanthrope depuis qu’elle fréquentait le monde du travail, Irma profitait de chaque weekend pour s’éclipser en randonnée. Ses collègues charitables ne s’y étaient pas trompés en la rebaptisant ironiquement « Irma la douce ».

Tout ce petit monde se détestait cordialement et Irma avait mieux à faire que d’écouter leur philosophie de machine à café. Elle voulait de la nature sauvage, sans toit ni loi, pour se sentir enfin humaine, loin du public. Trouver son salut entre un torrent et une prairie, se délester des choses graves dans le fumet délicat des bouses de vaches, c’était bien plus sérieux et gratifiant que d’aligner des slides pour ce connard de Jean-Gontran.

Mardi, elle lui avait dit « non » pour la première fois. Et certainement la dernière. Elle avait quitté l’open-space comme on va recevoir une médaille. « Elle s’en va et nous laisse un champ de bataille » avait marmonné Cricri de la compta.

Irma était partie, fière et sans se retourner, mieux qu’Orphée en son temps.

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