Règle de log.

Je viens d’un temps où le mot ordinateur, peu répandu, évoquait une pièce remplie de sombres armoires métalliques, d’un temps où les calculettes n’existaient pas, ni le minitel, ni l’internet ni la téléphonie mobile, ni les IRM ni les scanners, d’un temps où les stations orbitales n’appartenaient qu’à la littérature de science-fiction.

Dans ce temps d’autrefois qui fut le mien, la liste de matériel d’une de mes dernières rentrées scolaires au lycée enrichit un jour mon cartable d’une large règle de bois blond, laquée de banc sur le dessus, couverte d’inscriptions hiéroglyphiques et pourvue d’une barre coulissante transparente. C’était une règle de logarithmes.

J’eus de la peine à comprendre à quoi servait cet outil, au demeurant très beau et doux au toucher, je fournis d’intenses efforts pour apprendre à m’en servir et dans quelles circonstances faire appel à lui, et autant d’efforts pour puiser dans mon imagination les improbables résultats que ma règle de log se refusait à me délivrer.

Et soudainement, alors que j’avais passé deux années à tenter de cohabiter tant bien que mal avec cette rétive compagne, elle fut mise au rencart au profit de nouvelles nouveautés.

A peine connue, déjà disparue ! J’avais vécu, sans le savoir, comme passe une étoile filante, la fin du règne des règles de log.

Le souvenir de cette disparition ouvre en moi une divagation rêveuse sur la finitude des choses, sur la vanité de nos souffrances, et sur l’infini pouvoir de transformation des objets, comme cette règle de jadis, autrefois source de souffrance et aujourd’hui petit sujet d’écriture que j’exhume du passé pour en faire une amie.

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