Réminiscence

Le cachet blanc bouillonne au fond du verre. Les bulles remontent et s’agitent, créent des cloques sur la surface blanche. Une petite bombe H avalée trois fois par jour. Le délitement et le « pshhh » sont hypnotiques. 1er décembre. Je devrais être en train d’ouvrir une case de calendrier plutôt qu’un opercule d’antibiotiques.

Le froissement du papier crépon. 24 cases à remplir proprement pour faire plaisir à ses petits-enfants. Comme tous les ans, ma grand-mère a fabriqué elle-même la calendrier, rempli les cases de petites surprises et de choses à manger. 24 cases qu’à tour de rôle, mon frère, ma sœur et moi avons le droit de découvrir. Une par jour, c’est un rituel sacré. Celui qui ouvre est religieusement scruté par les deux autres. Le suspense à l’ouverture de la case est palpable. La joie et la malice dans les yeux de ma grand-mère encore plus belles à regarder dans mon souvenir.

Il y a vingt ans je voyais la matière, le cadeau, je sentais l’odeur du bois. Aujourd’hui je vois la patience, l’amour et le dévouement. 24 cases, des centaines de mercredis, des milliers de goûters. Des kilomètres en voiture pour aller à la bibliothèque, au tennis, au cinéma. Des heures de discussions qui deviennent des jours à parler de livres et de films avec toi. J’ai gardé tes carnets pleins de ces critiques éclairées ou sévères. Il suffit que je relise une page pour t’entendre et rire avec toi.

S’il y a un calendrier de l’après, je mettrai dans chaque case une page de ta voix.

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Une réponse à Réminiscence

  1. Aliette S dit :

    Très joli texte, et que la fin est jolie, merci

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