Un article dans la brillante revue Nature

Confortablement installés dans un jacuzzi, les deux chercheurs vidaient bière sur bière en discutant avec excitation. Ils fêtaient une grande nouvelle. Ils venaient en effet de recevoir l’accord de la plus importante revue de renommée internationale de publier in extenso un article qu’ils avaient soumis au comité de lecture. Ce travail venait clore sept années de recherche financées par un programme mondial qui leur en avait accordé la direction et traitait de la circulation des grands courants sous-marins mondiaux et de son retentissement sur le climat. Leur publication remettait en cause l’ensemble des théories physiques du climat et faisait des propositions révolutionnaires. Pour le moment, ils se prélassaient dans l’eau, à moitié nus, une bouteille à la main, imaginant déjà le déluge de critiques et de contre-attaques qu’ils allaient devoir essuyer de la part d’une communauté scientifique bousculée par la révolution qu’ils proposaient. Et encore, intervint le plus âgé des deux, c’est sans compter les pluies de réactions inconsidérées sur internet et la déferlante de demandes d’interview sur des plateaux télé plus soucieux de faire le buzz que d’apporter une information scientifique fiable. Ils barbotaient dans la mare bouillonnante lorsque soudain une vague plus épaisse se forma et ils virent, du fond bleu ciel du jacuzzi, surgir une énorme loutre de mer qui s’installa à côté d’eux et se décapsula une bière sans leur demander leur avis. Elle sirota quelques gorgées et profitant de leur silence stupéfait, leur déclara : « Merci les gars, grâce à vous, le peuple sous-marin va enfin avoir la paix, vous pouvez compter sur nous. » Elle siffla doucement, et ce fut tout d’abord une ondulation, puis une houle, puis un désordre indescriptible, une déferlante d’animaux marins de toutes tailles et de toutes formes et de toutes énergies qui émergèrent du fond du jacuzzi et s’installèrent à côté d’eux pour trinquer et les assurer de leur fidélité dans l’épreuve, tandis que le jacuzzi lui-même prenait les proportions gigantesques d’une invraisemblable Arche de Noé.

Puis les animaux prirent congé et les deux chercheurs, après quelques heures de sommeil, se réveillèrent avec une migraine de tous les diables.

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