Voyageuse immobile

Je suis une limace.

Vous savez, ces petits traits visqueux, couleur moustache, qui se glissent langoureusement dans vos jardins et vernissent de leur bave brillante les feuilles, les pierres sombres, les branches tombées et les pots en terre qui chaussent vos plantes.

Moi, je ne peux être chaussée. Je n’ai pas de pied.

Mais j’aime ma vie de limace.

Un jour, alors que je bavassais sur le baobab d’un parc – j’y étais depuis quelques jours ; un peu comme lorsque vous partez en trekking, j’avais prévu de gravir le baobab en dix jours, sans eau et sans assistance – un jour donc, j’ai croisé la route d’un écureuil. Il était magnifique. Son petit corps souple et agile ondoyait de branche en branche, je le voyais entrer et sortir de la frondaison du baobab. Mais je ne savais pas où il allait.

Car voyez-vous, quand on est une limace, on a du mal à prendre de la hauteur, à avoir une vision d’ensemble du monde qui nous entoure.

Une fois, il est passé si près de moi que sa queue d’écureuil m’a effleurée. C’était si doux !… J’ai lentement décollé le haut de mon corps de l’écorce du baobab, pour tâter délictamenet le pelage, et puis comme l’écureuil ne bougeait toujours pas, je me suis accrochée, et j’ai grimpé, et je me suis installée sur la queue de l’écureuil. Quand il m’a vue, il a eu un mouvement de recul.

Je l’ai supplié. Comme je ne pouvais pas me mettre à genoux, je me suis roulée en boule.

Il a compris ma demande, et m’a pris sur sa queue.

Nous avons voyagé ensemble, longtemps. Nous avons traversé des pays où les hommes s’habillent en sarouels ; d’autres où ils se nourrissent d’insectes. J’ai découvert le monde, immobile depuis le dos d’un écureuil.

Ce contenu a été publié dans Atelier au Long cours. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.