Il s’est levé de bonne heure, après un rapide passage par la salle de bain il revêt son costume neuf. Un dernier coup d’œil à la pendule, il prend ses clefs, se regarde une dernière fois dans la glace de l’entrée : il se trouve belle allure. Une fois dehors il fonce vers son rendez-vous mais d’abord il lui faut acheter des fleurs. Depuis plusieurs jours il a cet impératif qui lui trotte dans la tête, acheter des fleurs !
Il veut un beau bouquet de roses rouges, au moins une douzaine. Elles sont là chez le fleuriste toutes pimpantes dans leur seau d’eau fraiche.
Tout à son observation, Il a un mouvement de recul, se frotte les yeux, tapote du pied. Non il ne rêve pas, les roses tendent la tête vers lui et semblent lui dire « choisis nous ».
Il hésite, puis se décide à commander : le fleuriste a-t-il d’autres roses rouges ? Devant ces nouvelles fleurs il devient nerveux. Les roses d’un rouge profond diffusent un merveilleux parfum qui l’invite à les choisir.
Voilà votre bouquet Monsieur, vous payez par carte ?
Oui il paye par carte.
Son précieux bouquet dans les bras, il demande au fleuriste : svp pouvez-vous décapiter les roses ?
Mais pourquoi ? Le fleuriste est horrifié, tente de le dissuader : des roses si belles, si fraiches, si lumineuses… !
Devant le regard noir du client l’employé s’exécute et coupe la tête de toutes les roses. Elles tombent à terre l’une après l’autre avec un petit bruit sec. Il lui semble qu’elles gémissent.
Le fleuriste avec des « pourquoi » dans les yeux le regarde partir. Drôle de bonhomme se dit-il.
Pressant le pas, sont bouquet d’épines sous le bras il arrive au cimetière et va directement le déposer sur la tombe de sa mère : « Bonne fête maman ».
Ouf, il a honoré son rendez-vous. Ce matin en se levant il n’était pas sûr d’y arriver…
Féroce ! L’art de la pirouette…