Le bord de la bordure du bordereau de Mathilde lui faisait de l’œil. Elle souriait béatement devant ce bord, ces chiffres, ces lettres, ces hiéroglyphes qui dansaient une folle farandole.
Une lettre déployait son corps sur toute une ligne du papier. Mathilde était fascinée par cette ravissante arabesque. Tous des signes vivants: 1, 2, 3, 10 000, $, €, =, ratio ….
Mathilde virevoltait de bords en bords, entre les lignes, autour des signes, chantonnant une douce mélopée. Elle soignait son chant comme une cuisinière préparant un plat aux petits oignons.
Dans cette pièce aux lambris anciens, au milieu des bordereaux et de leurs hiéroglyphes, Mathilde aimait vagabonder. Son travail n’avançait guère mais sa fantaisie s’épanouissait. Bientôt elle ajouterait de la couleur et baignerait alors dans un nirvana mystique.
« Abus, j’menfoutisme, paresse » s’écriait son chef de service en entrant dans la pièce. Non, déréliction sociale, pensait Mathilde. Elle continua sa ronde enchantée, entre bords, bordures, bordereaux, chants, signes et couleurs. Rien ne pouvait l’arrêter.
J’aime ce texte et sa » dereliction sociale »! Mathilde nous sauve de l’ennui !
Merci! Mathilde est très honorée de cet hommage.