Surprise

Monsieur Vallière voyageait beaucoup pour son travail. La planète entière était un vrai terrain de jeu pour le laboratoire pharmaceutique qu’il représentait . Toujours affable et élégant, il sautait Joyeusement d’un avion dans l’autre, d’une chambre d’hôtel à New York à une autre chambre d’hôtel à Tokyo. Parfois Madame Vallière l’accompagnait mais la plupart du temps elle le laissait partir et restait seule avec leurs enfants. Ce n’était Pas un fardeau pour elle, avec le temps elle s’était habituée à cette vie en pointillé. Avec lui. Sans lui. Cet homme enthousiaste et chaleureux avait fait chavirer son cœur bien des années auparavant. Elle acceptait ses absences, toutes liées à son travail, d’autant plus facilement que durant les jours passés chez lui c’était un mari et un père attentionné.

Monsieur Vallière n’avait jamais montré le moindre signe de fatigue mais un jour il s’écroula sur son bureau, poussa juste un petit cri et ce fut terminé. Un Infarctus impitoyable.

Un mois après son enterrement Madame Vallière se mit à ranger les affaires de son mari. Renversant un tiroir sur le sol , elle trouva une clef, en chercha l’usage et se souvint d’un petit coffret, en haut de la bibliothèque, un petit coffret qu’il avait acheté »  pour y ranger certains documents du labo » avait-il dit. Elle alla chercher un escabeau et ouvrit le coffret. Elle en retira divers objets qu’elle ne s’attendait Pas à trouver là . Prise d’un vertige en ouvrant un carnet bleu ciel, elle comprit peu à peu que Monsieur Vallière avait rapport de ses voyages des souvenirs de femmes rencontrées, de femmes retrouvées régulièrement, de liaisons durables ou de rencontres fortuites et furtives. En larmes , elle se mit à imaginer la jolie japonaise qui lui avait sans doute offert ce mouchoir pour essuyer son visage sous la canicule. Il l’avait donc gardé en souvenir d’elle. Pourquoi ce ticket d’entrée au Mucem ? Elle l’imagina à Marseille, au bras d’une femme, échangeant au milieu de l’exposition des promesses de plaisir. Et puis il y avait ce carnet qui lui avait tout révélé, ce carnet rempli de poèmes, de déclarations, de propositions qui ne laissaient aucun doute. Une trousse pleine de stylos dorés la laissa perplexe. Souvenirs? Cadeaux d’une secrétaire , d’une jeune femme qui assistait à des congrès à ses côtés ? Et puis sous des lettres brûlantes, une farandole de rouges à lèvres et là dans son désarroi, elle fut prise d’un fou rire qui l’a ramena vers les larmes .

Haussant les épaules, épuisée, elle utilisa l’un des tubes de rouge à lèvres pour se donner des couleurs, prit le mouchoir pour sécher ses larmes, pleura encore un peu et utilisa l’un des stylos pour écrire sa liste de courses. Il se faisait tard et elle n’avait plus rien à manger.

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