Un matin avec Aïko

Aïko noue délicatement son routôt et ajuste une mèche de cheveux. Elle se regarde encore un instant dans le miroir, puis ouvre la porte et descend les trois marches qui la séparent de la rue. Il est 7h08 ; elle presse le pas ; elle est légèrement en retard. L’air est frais ce matin. Elle inspire la douce odeur des jonquilles qui bordent le Parc des Coumaliers. Le printemps est arrivé silencieusement, un peu tôt, sans les trombes d’eau qui d’ordinaire l’accompagnent.
Il n’y a personne à l’arrêt de bus. Zut ! Il vient sûrement de passer. Nerveusement, Aïko rebondit laconiquement dans ses nouvelles baskets. Elle les a choisies avec de l’air dans les semelles pour épargner son dos. C’est que les journées sont longues. Ce soir, elle finira à 20h. Si elle se souvient bien, elle est en équipe avec Buduldui. Parfait. Elles forment un bon duo toutes les deux. En un clin d’œil, elles se comprennent ; savent deviner quand il faut donner un coup de main ou au contraire laisser à l’autre toute son autonomie. Quand Buduldui a démarré, c’est Aïko qui l’a accueillie et elle l’a initiée aux us et coutumes de l’établissement. Sa pédagogie a porté ses fruits : Aïko fait les gestes et les commente, si bien que l’apprentie voit et entend. Excellent pour la mémorisation, Aïko en a la conviction et le constate avec chaque débutante. « Je rabats la couverture, déplie le drap. Je remonte la tête de lit, je pose la sonnette sur la tablette. J’allonge les bras du patient le long de son corps… ».
Le bus arrive. Le conducteur la regarde silencieusement sortir de son sac son titre de transport. Elle tourne la tête pour échapper à son sourire machicouleux. Elle est au bord de saluvamenter à haute voix, mais préfère filer au fond où il y a plein de places libres. Assise, elle reprend une respiration plus sereine. Certains jours, elle voudrait qu’on lui enlève sa tête. Ne plus penser. Ne plus s’agacer. Ne plus, ne plus, ne plus. Tiriflette Université. Un peu plus et elle manquait son arrêt ! Elle se précipite vers la porte du milieu, appuie juste à temps sur le bouton d’ouverture.
Au vestiaire, Buduldui ferme son casier. Elle est déjà prête. Comme toujours, se dit Aïko en la gratifiant d’un sourire joyeux.

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