Un petit caillou dans une artère

Le matin, le soleil entre par la fenêtre de la cuisine. Nous prenons ensemble notre petit déjeuner. Ses grands rayons me réchauffent. C’est qu’il fait froid ces jours-ci. La neige a recouvert les jonquilles prêtes à éclore. Qui sait si elles n’ont pas gelé.
On m’apporte des fleurs. Tant de fleurs que je n’ai plus assez de vases. Il me faut recycler les pots à eau, les carafes, tout ce qui traine au fond des placards ou en haut des étagères et qui normalement ne sert pas. Mais rien n’est comme d’habitude depuis samedi.
Après le Samu et des batteries d’examens qui ont duré deux jours, je suis au repos. Pas de douleurs particulières, mais de la fatigue, oui. Et ce côté gauche qui répond mal. C’est comme si à l’intérieur de moi des petites sources étaient devenues folles. Au point qu’un caillou s’est coincé dans une artère. Un petit AVC quand même. De faible intensité, mais quand même.
Parmi les fleurs que j’ai reçues, il y a ce spécimen que je ne connais pas. Est-elle rare ? Elle est rose sur une branche avec des épines. Je l’ai mise dans un soliflore. Vient-elle de derrière la dune, là où pousse principalement la fougère ? Elle me semble capable de résister au méli-mélo du grand vent d’ouest, à la fois robuste et souple.
Ma sœur m’a apporté un lampadaire pour mieux éclairer la pièce principale de la maison. C’est un objet ancien qu’elle a acheté à Paris chez un brocanteur du boulevard Voltaire un jour de froid. Il a trouvé tout naturellement sa place à droite du buffet. Comme si on attendait que lui.
Je passe le plus clair de la journée dans mon canapé. Ça remet en question mes ambitions. Passer du bon temps, voilà à quoi je résume mes prétentions. A regarder les fleurs, à boire un bon thé, à lire un livre, à écouter mes filles. C’est simple et jamais auparavant je n’aurais pensé que c’était si important. Je n’entends plus la plainte lancinante qui m’accompagnait ces derniers temps. Comme si elle avait été embarquée par une cascade de priorités. Elle a disparu ; elle s’est dissoute. Ce n’est pas aujourd’hui encore que j’irai faire un tour. Il faut attendre. Ne pas risquer de tomber, c’est important.

Ce contenu a été publié dans Atelier Buissonnier. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Un petit caillou dans une artère

  1. Emmanuelle P dit :

    Un petit caillou sur la route de l’existence fait basculer une destinée. Ramène à l’essentiel. Ralentir. J’entends des gens qui étaient très « speed » et qui sont mis à l’arrêt par un tout petit caillou, comme tu écris. Petit caillou, grand dégâts, parfois.

  2. Cécile C dit :

    L’existence qui bascule ou qui est simplement ramenée à l’essentiel, c’est tout à fait ça. Et puis, il y a toutes sortes de petits cailloux… Merci Emmanuelle pour ta lecture.

  3. Monique M dit :

    J’ai beaucoup aimé lire ce texte après l’avoir entendu. Il’est Plein d’images qui me plaisent….

  4. Cécile C dit :

    Merci Monique. C’est un texte que j’aime bien aussi…

Laisser un commentaire