Avant le silence

Dans son monde à demi-silencieux, elle sort de sa bulle. Un tympan abîmé, elle survit avec pour seule antenne son oreille saine. A peine entend-elle ses pas ou les voitures électriques qui assourdissent son imaginaire. Il lui reste ses narines, ses doigts, son palais pour apprécier les parfums de la Terre, à défaut de savourer les échanges.

Par-dessus le muret qu’elle longe, des parfums d’anis et de menthe l’égaient. Elle ferme un instant les yeux pour laisser la nature l’envahir.

Son frère n’a jamais compris comment on perçoit la nature les yeux fermés. Pour lui seules comptent les couleurs. Il n’a pas lu Saint-Exupéry, sans doute, et son essentiel invisible pour les yeux. Tant pis.

Elle a appris à jouer avec ses narines, alternativement pincées avec un index. Elle inspire les senteurs de la vie du côté droit, expulse les peines et les rancœurs par le même canal. Pincer. Refermer. Et aspirer, du côté gauche, à un monde meilleur.

En elle coulent les fragrances de jasmin et de lilas. Lorsqu’elle s’aventure en milieu inconnu, des odeurs incertaines interpellent ses orifices. Ses yeux relaient ses questionnements sur ces contrées sauvages, car inconnues.

Au-dessus d’elle s’ébattent des oiseaux qu’elle entend de très loin. Il lui reste le regard pour imaginer ce qu’ils se disent, là-haut dans le vieux chêne. Des battements d’ailes insistants lui font comprendre que ça chauffe. Une engueulade peut-être au sujet d’un vers de terre, d’un nid imparfait, d’un oisillon malhabile qui ne vole pas encore assez droit ?

Dans son monde à demi-silencieux, des anges passent. Le médecin a prévenu ; les angelots allaient l’accompagner de plus en plus souvent, car l’oreille qui était saine bientôt n’entendrait plus.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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