Clara

Le reste je te le laisse. Le post-it rose était collé sur son judas. Pas de signature mais il avait reconnu l’écriture. Il décolla le papier, l’approcha de son nez espérant qu’il ait gardé son odeur. A peine un effluve, une odeur de savon plus que son odeur à elle. Mais c’était son savon à elle.
Il ouvrit la porte, tout était là. Il avait cru un instant qu’elle avait tout dévalisé pour écrire ce mot. Tout était là, bien en place, bien rangé, bien lavé. Seuls manquaient ses effets personnels, ses habits, son parfum et son savon qui lui donnait si bon goût. Les draps avaient perdu de leurs odeurs mêlées.
Antoine s’effondra dans le canapé. Pourquoi était-elle partie ? Il se souvenait son sourire, ses yeux rieurs et son corps tout nu dans le bain moussant la veille. Aucun signe avant-coureur de sa disparition. Elle lui avait donné le soleil étoilé et il sentait que la nuit allait définitivement tomber.
Il ferma les yeux, il voulait la revoir, il la cherchait près des dahlias, il la cherchait au loin dans la baie où le phare peinait à transpercer le brouillard, il la cherchait sur les bancs publics, derrière les arbres, au zoo aussi le jour où la mort précoce du gorille l’avait beaucoup affectée.
Antoine la cherchait encore et encore dans ses souvenirs. Il voudrait bien que l’image et le son ne s’estompent jamais. Mais il le savait malheureusement bien, elle disparaîtrait un jour de ses plus beaux souvenirs. Il ne se rappellerait ni sa voix, ni son rire, si ses cris, ni son corps, ni son odeur.
Pour ne pas pleurer, Antoine se leva et sortit. Il claqua bien évidemment la porte.
Il marcha seul longtemps, très longtemps, il repassait par leurs lieux à tous les deux. Il espérait l’apercevoir. Le soleil se couchait péniblement. Comme s’il savait qu’il ne se relèverait plus jamais.
Antoine était perdu, il ne savait plus par où commencer pour la retrouver. Il se disait aussi qu’il devrait respecter son choix mais avant il voulait comprendre. Pourquoi était-elle partie alors qu’ils nageaient dans le bonheur ?
Il eut soudain du mal à respirer. En automne, les couleurs changeaient, les gens aussi sûrement s’était-il dit. Il percevait ces micro-changements mais il n’avait pas vu venir ceux de sa bien-aimée.
La pluie se mit à tomber, il s’empara d’un parapluie abandonné. Ça allait sûrement lui réveiller les sens ou le baigner dans l’indifférence.
Il marcha seul, ses pas résonnaient dans les flaques, il fallait qu’il revienne chez lui. Elle avait peut-être laissé un indice en plus de ce post-il rose où il était tout sobrement écrit « Le reste, je te le laisse ».

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2 réponses à Clara

  1. Emmanuelle P dit :

    Mélancolie des sens perturbés. Un seul être vous manque et tout est sens dessus dessous. Merci Marija pour ce texte.

  2. Marija D dit :

    Merci Emmanuelle pour ton retour.
    Tout est sens dessus dessous en lui mais sa maison a été rangée !
    C’est ton commentaire qui me fait réaliser cela.

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