J’ai coupé le séquoia rouge pour en faire un feu de joie.
Seule dans mon loft, j’ai refermé Satisfaction, de Nina Bouraoui. Des cris d’enfants résonnent jusque sous les toits. Je me penche ; ça jardine en bas. Le timing est précis ; bientôt la pluie par la fenêtre humidifiera les graines.
D’autres fois, le soleil s’en va. La lune illumine les rues.
Je sortirai peut-être me mêler à la foule. Ou bien je resterai chez moi, et les flammes…
Il n’y a rien qui m’interpelle. Rien. Ni personne.
***
La lampe-torche à la main, Martin sillonne d’un pas lent les rayons du grand magasin. Seuls ses talons résonnent. 1,5 cm suffisent à frapper le silence noir. Un froissement, un grincement s’échappent dans l’air. Il ne sait pas s’il a envie de regarder derrière. Le bruit ne peut pas venir du rayon des poupées. Elles sont encore prisonnières des cartons.
Dans 4 heures, les employées fardées et parfumées viendront les placer dans les étagères. Elles les rassureront. Le voyage dans les containers a été long. Enfin, elle vont ouvrir les yeux sur les enfants scénaristes de leur prochaine vie, déballée.
Dehors, les derniers parapluies se déplient et se rétractent en un ballet incessant. A 5 semaines de Noël, le sapin géant chatouille le plafond du magasin phare de la ville.
Loin de toute pensée misérabiliste, Martin profite de la solitude du type dévasté.
Rien ne se dit, rien ne se montre dans le métier. Les collègues ignorent que sa femme est morte dans l’incendie. En vrai, ils n’étaient pas mariés, mais presque ; il ne l’avait pas encore demandée en mariage. Mais c’était imminent. Elle allait dire « Oui », il en était sûr.
Les peluches silencieuses qui se découpent sous la lampe-torche assoient sa conviction : cette fille était faite pour lui.
Alors Noël cette année pour Martin, ça n’a le goût de rien.