Le moine et la Muse

Dans la moiteur de l’été, le moine s’ennuie. Alors descend l’Appel. La Poésie frappe délicatement à la porte de l’un de ses hémisphères cérébraux.

Aussitôt la Maîtresse des Mots le laisse sans répit.

Il trime toute la journée pour trouver des rimes. La Muse lui souffle de déclamer devant un public.

– J’entends bien, dit le moine, mais je suis devant Dieu un ermite.

La Poésie se frotte le menton.

– Vraiment ? Et ça ? lance-t-elle en montrant du doigt un âne et une oie qui avalent du riz devant l’âtre.

– Ah ! Est-ce que Martin et Sidonie peuvent comprendre les nuances, la richesse des sonorités ?

– Doucement, moinillon ! Tu n’es ni Baudelaire ni François Villon. Au travail !

De rime en rime, le moine trie ses pensées ; il établit des listes, abandonne des idées.

La Poésie s’impatiente ; ce moine, quel empoté ! Le jour il trime à cueillir les rimes, et le soir est-il seulement fatigué pour se reposer devant l’âtre ? Ils sont 3 désormais à s’y réchauffer : l’âne, l’oie, et l’ermite. Quelle portée !

Un matin à l’aube, il convoque la Poésie et lui déclare :

– Je suis prêt !

– Vraiment ? Et ça ? s’étonne-t-elle en désignant de l’index le nœud papillon qui surmonte le col romain.

– Ah ! C’est pour faire joli, marmonne le moine.

– Bon, je suis là pour écouter. Tu iras te repentir devant ton Maître une prochaine fois. Alors, quelle empreinte émotionnelle as-tu laissé dans les oreilles de Martin ? L’oie Sidonie est-elle devenue moins bête ?

– Ce n’est pas gentil ! Je me plaindrai auprès de la communauté.

– La communauté ? N’es-tu pas anachorète, pirouette, cacahuète ?

Le visage du moine s’empourpre :

– Chez vous, derrière rimer se cache brimer. Si j’avais su, j’aurais attendu que la Musique me sonne, ou la Peinture me teinte… N’importe qui d’autre que vous, Perfide ! Et… vous savez ce que vous pouvez faire de mes rimes, vous pouvez vous les mettre au…

– (elle coupe) Oh ! Mais c’est qu’il est susceptible, le moinillon ! Non merci, je n’ai guère envie d’être irritée avec vos indécentes écritures. Bien, ma visite prend fin. Je pars conquérir d’autres âmes. Je m’en vais, mais point je ne te blâme.

C'est un peu par hasard que j'ai découvert le plaisir d'imaginer des histoires. D-Ecrire des vies. Et j'ai trouvé avec Cécile et Philippe, et tous les participants, de quoi cultiver l'enchantement. Merci à tous.

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