Noël en marge

Dans la lumière poudrée de l’hiver annoncé, elle est là, arrêtée au milieu du parvis de l’hôtel de ville, sans chaussettes dans ses vieilles baskets, sans bonnet sur la tête, juste un sourire plaqué sur le visage et l’émerveillement d’un enfant sage. La neige tombe, il fait un froid sourd, des gens la bousculent, il faut dire que c’est jour de foule, mais elle ne semble pas en être gênée, elle n’est pas concernée par ces vies qui l’entourent. Elle est venue voir les illuminations, elle adore ça, les guirlandes qui clignotent, les arbres dégoulinant de lumière, les cadeaux scintillant au pied d’un immense sapin. C’est un peu comme si Noël voulait encore d’elle, comme si elle n’était pas complètement exclue de cette fête.
Louise n’est plus jamais invitée nulle part, elle n’a plus de maison, plus d’amis, plus de famille. Louise vit dans la rue depuis longtemps, elle ne sait plus depuis combien de temps, elle s’en moque, le temps n’a plus d’importance, les matins sont parfois la nuit, parfois l’après-midi. Le matin, c’est quand elle se réveille, c’est tout.
C’est bizarre, dans sa vie d’avant, avant l’alcool et la déchéance, elle n’aimait pas Noël. Aujourd’hui elle adore, elle trouve ça joli, et puis c’est gratuit, et puis les gens sont plus gentils. Demain elle ira sur les Champs-Elysées, c’est encore rouge cette année, elle n’aime pas trop quand c’est rouge. Elle rit et se dit qu’elle boira un petit coup de rouge pour être raccord avec le décor.

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Une réponse à Noël en marge

  1. Emmanuelle P dit :

    Pour rester dans le ton, je dirais le récit « scotchant ». Il m’impose une forme de recueillement devant ce portrait de femme qui depuis sa rue observe le monde et ses réjouissances calendaires. Nous nous demandions son âge lors de l’atelier ; si elle est assise sur un trottoir, elle se place à hauteur d’enfant. Dans le « comme si Noël voulait encore d’elle », je perçois l’exclusion sociale. Bravo pour cette profondeur de vue.

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