Prie Mange Prie

Le jour, il trime enfin il prie et le soir, devant l’âtre, il se repose enfin il prie aussi. Ses jours et ses nuits se ressemblent assez. Il passe le plus clair de son temps à chercher et parfois même à trouver la lumière.
Il se laisse de temps en temps distraire par les moineaux dans le ciel. Il aime leur envolée soudaine, leur fragilité et leur force simultanées. Il les envie d’être aussi proches des cieux. Peut-être connaissent-ils le secret ?
Frère Philibert vit seul dans sa chaumière. Il aime le silence et les petits bruits qui le déchirent : le crépitement du feu dans l’âtre, le frottement des grains de riz lorsqu’il les trie. Il aime s’asseoir dehors sur un banc pour effectuer cette tâche. Il rit en apercevant la patte de l’âne. C’est le signal pour aller cuisiner.
Frère Philibert se lève et, avant de se rendre à la cuisine, lance une belle poignée de riz trié à son oie Abigail. Il lui avait donné un nom, enfin il avait copié car il se savait sans imagination. Petit, son film préféré, enfin son dessin animé préféré, était les Aristochats. C’est comme ça, parce qu’il n’avait pas de chats, que son oie avait été baptisée. Il aurait voulu le faire en bonne et due forme, avec de l’eau bénite, avec un parrain et une marraine, enfin tout le tintouin. Pour l’eau bénite, il s’était arrangé, pour le parrain et la marraine, il avait improvisé, l’âne était devenu le parrain, quant à la marraine, il avait décidé que ce serait une coccinelle, une bête à bon dieu.
Abigail servie, picore d’un coup de bec franc et sec. Elle est visiblement affamée. Frère Philibert attend que l’eau bout pour y jeter du riz. Il ajoute du sel. Il écoute, tend l’oreille, mélange à peine. Il reconnaît le son du riz cuit. Une douce mélodie qui lui ouvre l’appétit.
Il remplit une gamelle pour l’âne et une assiette pour lui. Il a donné un nom à l’âne aussi, mais sans conviction, surtout pour qu’il ne se sente pas à l’écart de leur petite communauté. Frère Philibert avait tiré au sort un prénom dans le calendrier et c’était tombé sur Romain. C’est bizarre comme nom pour un âne mais c’est la réponse qu’il avait eue des cieux.
Après dîner, le moine retire sa chasuble marron. Il laisse tomber la corde qui lui sert de ceinture. Il a du mal à défaire le nœud. Ses mains sont abîmées. Il les joint et lève les yeux au ciel. Il voudrait se repentir de tout, de rien, il ne sait même plus. Il sait juste que c’est ce qu’il doit faire. Il se souvient d’espaces marécageux, de moments sombres mais ne s’y aventure plus.
Il prie, ses genoux ont laissé une empreinte sur le tapis. L’aurore approche, ses jours ressemblent à ses nuits. Il prie, il prie pour retrouver son trésor, son héritage.

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