Rêver en forêt

Il est tôt, cette journée d’automne. Je pars marcher dans la forêt. Des nappes de brouillard m’enveloppent puis, disparaissent. L’humidité est présente. L’odeur de l’humus. Le bruit des feuilles et petites branches sous mes pas. Mon esprit revisite ces moments de mon enfance où, avec mon frère et ma sœur nous jouions à nous faire peur. La maison du garde-forestier se trouvait à quelques pas de là. Il avait un visage fermé et effrayant pour les enfants que nous étions. Nous nous imaginions des aventures inspirées de nos lectures du club des 5. Avec des petits feux nous faisions apparaître comme des feux follets et autres farfadets. La forêt était très sombre et même en pleine journée, l’hiver, il y faisait nuit. Nous avions inventé une vie à ce garde. Une enfance d’orphelin, la mort de sa femme, ses enfants placés dans un orphelinat. Rien ne nous freinait pour atteindre une peur collective forte. Me cacher me faisait trembler. J’étais le petit dernier, alors je voulais que mon courage soit à la hauteur de celui de mon frère aîné et de ma sœur. Mais au fond de moi, j’étais terrorisé et m’arrangeais toujours pour ne pas me trouver trop loin de l’un ou de l’autre. Je les épiais et dès qu’ils m’apparaissaient un peu flous, au loin, je me rapprochais. Les lectures de ma mère, le soir, m’emportaient dans des cauchemars peuplés de tigres rugissants tapis dans l’ombre avant de sauter vers moi toutes griffes sorties. Ces périodes de vacances étaient souvent sources de peur et de cauchemars. Je n’avouais pas aux autres que j’aurais préféré jouer à des jeux que je trouvais moins traumatisants. Moi le rêveur, visant cette lune rousse si rare et si flamboyante. Regarder la nature, reconnaître les arbres et les oiseaux. M’allonger et regarder les nuages courir dans le ciel. Me sentir tout petit devant les arbres majestueux. Regarder les poissons colorés, imaginer une loutre ondulante dans les méandres de l’eau. Je la vois exécuter des figures et des acrobaties et je l’applaudis. Parfois, je m’imaginais sur un glacier, tel un aventurier solitaire à la recherche de contrées et de populations ignorées du reste du monde.

Je reviens aux bruits de la forêt. Mon enfance me semble lointaine. Le garde-forestier a disparu. Nous aimons toujours parler de ces moments avec mes frère et sœur. Ils me disent que je pleurais souvent. J’avais tellement peur qu’ils m’abandonnent dans cette sombre forêt où mes sentiments s’enfuyaient.

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