J’aime les heures paisibles de l’automne. J’aime aussi les couleurs qu’il libère heure après heure, jour après jour. Le garde-barrière, assis sur son banc en bois, laisse ses pensées vagabonder, les yeux rivés sur la forêt. Encore un peu, il fera nuit. Encore un peu, il s’enfoncera dans la profondeur des bois pour creuser, creuser, creuser. Son front dégoulinera de sueur. Il s’essuiera du revers de sa manche et continuera à creuser, creuser la terre la plus meuble, la terre la plus cachée de cette dense forêt qu’il connaît par cœur, dans ses moindres recoins. Quand le trou sera bien profond, il retournera à sa voiture pour y récupérer ce qu’il y a laissé dans le coffre, enroulé dans un tapis, dans un drap, dans ce qu’il aura trouvé quand il en avait eu besoin.
John attend patiemment la tombée de la nuit. Il aime l’automne car la nuit vient plus rapidement, elle est au rendez-vous et apaise son impatience. John prend un whisky, une gorgée seulement puis la recrache. Il doit arrêter de boire pour garder sa lucidité. Il perd trop vite les pédales.
Il se décide pour un thé comme les vieilles, comme les vieux, pense-t-il tout bas. Qu’ils crèvent ceux-là aussi avec leur plaid, leur dentier et le réconfort de leur tasse chaude. Pas de répit pour John. Pas de douceur, pas de tendresse. Il le sait, il a raté sa vie. Il est seul à garder une barrière qui ne se lève jamais. Personne ne s’aventure plus ici. John est seul, sa colère monte. La vie ne l’a pas épargné. Il en veut à la terre entière. Qui est vraiment responsable de son malheur ? Il sait qu’il a toujours gâché les pépites qu’il avait eues entre les mains.
On lui avait dit : tu as des mains en or, tu peux faire ce que tu veux de ta vie. John n’avait jamais compris quoi faire de ses mains. Il s’était retrouvé à lever des barrières. Un exercice inutile et futile. Aucun train ne passait plus par là, aucun véhicule ne traversait plus les voies.
Quant à utiliser ses mains pour caresser une peau nue, John n’avait jamais connu.
Il en est là de ses réflexions. Il rêve encore, toujours de corps nus qui se livrent à lui. Les années sont passées et pas un corps ne s’était arrêté non plus pour le découvrir, pour lever sa barrière, le rendre utile et lui faire comprendre le pouvoir de ses mains.
Le regard de John tombe sur un escargot qui tente de s’échapper de ce trou à rats. Il tire sa coquille qu’il a dû charger à bloc. Il transpire. Il lutte. La lèvre de John se hisse en un rictus, il évalue la distance parcourue en mesurant d’un œil expert la trace de la bave derrière lui. John soulève son pied, à peine. Il n’hésite même pas une seule seconde. Hors de question que l’escargot se fasse la malle et qu’il reste lui planté comme un con ici. Son pied s’écrase de toutes ses forces.
John jubile au craquement de la coquille. La bave gluante qui reste collée à sa semelle l’énerve. Il se lève et l’essuie sur un tas de feuilles.
Les heures sont longues, elles ne passent pas. La nuit ne vient pas, elle ne se dépêche pas. John prépare ses gants, la pelle, il essaie de gagner du temps, d’appeler la nuit à lui. Il sait déjà où il va aller, où il va creuser, combien de temps cela va durer. Il connaît son endurance, il évalue le poids, la densité des corps qui lui tiendront compagnie. Il a peaufiné sa technique année après année.
Les mains en or de John, à défaut de donner du plaisir, strangulaient, tailladaient, ligotaient, frappaient, coupaient, prenaient leur temps pour tuer. C’est le seul moyen que John avait trouvé pour être proche de corps nus, rien que pour lui.
John entend la chouette hululer. Les rapaces nocturnes se préparent à chasser. Il est bientôt l’heure. John enfile une veste un peu plus chaude, enfonce un bonnet sur son crâne chauve. Il attrape les clefs de la voiture. Il met le contact, cherche une station de radio qui pourrait lui faire du bien. Il zappe le jazz, la country, le blues. Il lui faut du bruit, beaucoup de bruit pour couvrir les cris. Du métal, voilà, il a trouvé la bonne station. La batterie couvre les coups de pied dans le coffre.
Il roule, roule encore. Il sait exactement où il va même si cela ne paraît pas. Il tourne à droite dans un sentier à peine perceptible. Il continue tout droit, il passe un petit pont fragile à vive allure. Le pont ne cède pas. Il arrive à destination. Il éteint le moteur. Le silence ne se maintient pas. Les pieds cognent encore, une voix étouffée tente de crier, de se faire entendre. Elle ne sait pas qu’elle est au milieu de nulle part.
John sort de sa voiture, claque la portière, s’étire. Il craque ses doigts. Il ouvre son coffre. Des yeux effrayés le fixent, le supplient. John soulève le corps, le redresse. Avant de le détacher, il dit : Je te laisse cinq minutes d’avance. Il enlève le bâillon, détache les pieds, les mains et lance : Cours maintenant.
La lumière des phares éclaire le début du chemin puis plus rien. Le corps court pieds nus, s’égratigne aux branches. Le sang coule, la sueur perle, la peur s’en mêle. Le corps entend au loin : Ça fait cinq minutes. Ready or not here I come.
John avance, fait résonner le métal de la pelle sur le sol, sur le tronc des arbres. Je te sens, je te traque, tu ne m’échapperas pas. Continue à courir, j’aime l’odeur de la terreur. Le corps pleure, le corps court, sa tête regarde à droite, à gauche, cherche une sortie, une survie. Le corps surveille ses arrières, le corps reprend son souffle…ou pas. La pelle s’abat sur son dos, lui faisant plier les genoux, la pelle frappe à nouveau sur les tibias, puis sur la tête.
Tu ne dois pas mourir tout de suite. Je veux te voir agoniser. La respiration du corps est saccadée. Du sang est craché, de la terre est avalée. Le corps rampe, se terre, se blottit, pare les coups. En vain. Les yeux de John sont noirs comme le ciel sans étoiles cette nuit-là. Cours je t’ai dit, hurle-t-il. Tu es une proie trop facile sinon. Cours !
Le corps est tétanisé, des larmes sales coulent. John le remet debout, l’attrape par le col, lui crache au visage. Allez, je t’ai dit, tu cours maintenant. Essaie par là, ou par là, comme tu veux, mais cours. Tu réussiras peut-être à t’échapper. Mais tu sais, prends garde, je saurai te trouver. Allez dépêche, bouge, je te laisse dix minutes cette fois, fais-en bon usage.
Le corps titube, met un pied devant l’autre, tente de reprendre sa course. John allume une cigarette, la fume lentement. C’est son chrono, il sait le temps que ça lui prend. Il entend les feuillages claquer, les branchages craquer, il entend même le souffle coupé. John aime ces sons. Il écrase son mégot et marche tranquillement dans la direction qui lui convient. Le corps n’entend rien, juste sa respiration forte qu’il essaie désespérément de faire taire pour ne pas se faire repérer.
La traque est perturbée par des aboiements de chiens. Un hélicoptère survole la forêt et lance son faisceau de lumière blanche à travers les arbres. John n’en tient pas compte, il est presque arrivé. Les chiens se rapprochent, aboient de plus en plus fort. John entend d’autres voix se mêler : c’est par là, par là, vite. Des faisceaux de lumière dansent avec les ombres.
Le corps est caché derrière un large tronc, il fait le tour à l’approche de John. Il retient son souffle, il espère que John n’entend pas son cœur battre. John chuchote : Je sais que tu es là, près de moi, si près de moi. John s’élance vers l’arbre au tronc large. Le corps panique, reprend sa course, tombe dans un trou, un trou énorme.
John ricane. Je t’avais dit que je t’aurai. John joue avec son briquet. Qu’est-ce que tu préfères : je te brûle ou pas ? Le corps se cloître dans un angle du trou. Les chiens approchent. John les ignore. Il réfléchit à son modus operandi. Non, je ne vais pas te brûler, j’ai pas assez d’essence.
John lance un poignard qui se plante dans le bras du corps. C’est fabuleux comme un corps est mou et tendre, comme il reçoit si facilement une lame. Tu aimes ? Dis-moi. Le corps tient son bras, tente de retirer le couteau. Ça lui fait encore plus mal.
Les pales de l’hélicoptère dégagent les cimes des arbres. Il est de plus en plus proche. Le corps espère, il faut qu’il tienne, les secours sont là. Il devrait faire un signe, indiquer la voie. Il crie, il n’est pas entendu. John rit. Tu me prends pour un abruti. Je te dis qu’on ne te retrouvera pas. Tu es à moi, rien qu’à moi.
Les chiens ouvrent le chemin, ils courent de plus en plus vite. La police a du mal à suivre dans l’obscurité profonde.
John s’est décidé, il remplit le trou de terre. Il se dépêche, il ne faudrait pas qu’il soit interrompu par la meute. Son coup de poignet est exceptionnel, il s’en félicite. Le corps se cache le visage pour éviter d’avaler de la terre.
L’hélicoptère s’est éloigné. Les chiens ont l’air perdu. John sait comment effacer ses traces. Il continue à combler la tombe du corps. Avant de recouvrir le visage, il lui lance : Un vrai plaisir, toujours un vrai plaisir. Puis il balance la dernière pelletée.
John rebrousse chemin tranquillement, les chiens sont muets, les lampes torches éteintes. Il est dans son élément, dans cette forêt dense et sombre. Il revient à sa voiture, met le contact. Le métal déchire le silence. Il change de station, de la musique classique, c’est mieux maintenant.
John roule doucement. Plus un bruit dans le ciel, plus un bruit dans les bois. Les chiens ont dû renifler des glands empoisonnés, se réjouit-il. Devant chez lui, il attend quelques minutes avant de couper le moteur. Il se regarde dans le rétroviseur, il a le visage sale. Avec un mouchoir, il essuie la terre restée collée à son front. Ça ne part pas. Avec de la salive, il y arrive mieux. Il enlève son bonnet, retire ses gants. Il coupe le moteur.
Au loin, il entend des sirènes. Des gyrophares transpercent l’obscurité.
Il peut prendre son whisky maintenant. Il allume une cigarette. Il s’assoit sur le banc en bois. Ses pensées vagabondes lui susurrent : J’aime les heures paisibles de l’automne. J’aime aussi les couleurs qu’il libère heure après heure, jour après jour.
Les gyrophares se rapprochent. Les sirènes sont stridentes. John n’aime pas être dérangé en pleine nuit, ni même en pleine journée. Quand on le dérange, il fait payer, il fait courir, il joue au chat et à la souris.
John boit une gorgée de whisky. Il va falloir qu’ils arrêtent tout ce boucan. Il boit une autre gorgée qu’il fait glisser entre ses dents. Il va chercher son fusil, charge une cartouche, une deuxième. Il aime le clic du fusil quand il l’enclenche. Je vous attends de pied ferme si vous venez me déranger en pleine nuit.
Les voitures de police dérapent devant sa maison. Les gyrophares continuent à clignoter dans le noir, les sirènes se taisent. Un policier sort et court.
– Vous pourriez lever la barrière s’il vous plaît ?
John se dirige lentement vers son poste et lève la barrière. Il tente :
– Qu’est-ce qui se passe ?
Le policier répond :
– Nous poursuivons un tueur en série. D’ailleurs, vous connaissez les lieux ?
– Bien évidemment, s’offusque John.
– Vous avez vu quelqu’un de suspect ces derniers temps ?
– Non, je suis seul dans ce coin du monde.
– Et personne non plus en train de fuir ?
– Ben non, j’vous dis, je suis seul ici.
– Vous connaissez un certain John Doe ?
– Nope, connais pas.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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Eh bien, je n’avais jamais lu ce texte, et je découvre un personnage que je n’ai aucune envie de croiser… C’est poisseux, sans issue. Jonh Doe est l’archétype de l’inconnu insaisissable, puisqu’il n’a pas de nom. Bravo Marija !
Merci Emmanuelle pour ton retour sur ce texte. J’avais bien aimé créer cette ambiance un peu flippante, et comme toi, aucune envie de tomber sur ce personnage 🙂