Mathilde la tête en bas

C’est une jolie petite fille espiègle, une petite fille spéciale, qui est arrivée dans notre famille une journée d’été après un orage, marchant à l’envers sur un arc en ciel. De son point de vue étonnant, elle voit le monde différemment et nous apprend à observer les choses d’une autre façon.

Mathilde a grandi et contemple le monde et les adultes qui l’entourent avec un regard décalé. Elle a compris depuis déjà longtemps et malgré son jeune âge que ce qu’elle voit n’est pas la réalité et qu’il faut aller au-delà des apparences. Alors elle s’entraine à regarder autrement et fait des exercices d’observation la tête en bas.

Au début ses parents s’amusaient de ce qu’ils appelaient de la gymnastique. Puis ils s’en sont désintéressés et maintenant ils finissent par en être dérangés.

Dans son coin personne ne la remarque et, telle une petite chauve-souris, la tête en bas, Mathilde se concentre sur les conversations. Elle étudie le langage des corps, les regarde bouger. Elle décèle un décalage entre les mots énoncés et le ton employé. Remarque que certains adultes inventent des histoires incroyables dont ils sont les héros, d’autres profèrent de bons gros mensonges.

Pourquoi les enfants se font-ils gronder lorsqu’ils écornent légèrement la vérité alors que les adultes prennent de grandes libertés avec le récit des évènements ?

Le soir dans son lit, la petite fille repense à sa journée et essaye de comprendre le sens de ce qui l’entoure. La réponse à ses questions s’endort à ses côtés et le lendemain elle est happée par une nouvelle journée.

A l’école, Mathilde est surnommée « Mathilde la tête en bas ». Dans la cour de récré avec ses copines, elle participe aux conversations en faisant le poirier. Dans la classe c’est interdit mais pendant les cours de gym elle a carte blanche. L’été, pendant les vacances chez ses grands-parents, elle peut profiter du cerisier dans lequel a été installé un trapèze rien que pour elle. Notre petite chauve-souris se balance la tête en bas et prépare des spectacles de cirque avec ses cousins.

Les années ont passé elle a choisi de faire de sa passion d’enfant un métier. Engagée comme trapéziste, elle va pouvoir vivre son rêve.

Aujourd’hui c’est sa première fois. Première fois avec le public, première fois également pour son partenaire de voltige. Assise dans les gradins avant le spectacle, elle repense à « Mathilde la tête en bas » et à ses cousins compagnons des spectacles d’été.  Les spectateurs arrivent, il lui faut se préparer c’est bientôt son tour.

Timidement, ils se sont élancés au-dessus de la piste. Le fil se balance dans l’immense vide au-dessus des spectateurs si fort, si haut. Ils sont unis par leur numéro et volent dans un étrange ballet. Le public qui suit chacun de leurs mouvements retient son souffle. Parfois nos deux artistes tremblent un peu. Même sous les applaudissements, pas de chute : ils ont tout contrôlé.

BRAVO !

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4 réponses à Mathilde la tête en bas

  1. Sylvie W dit :

    C’est tellement beau; on rêve avec cette petite fille. je me suis laissée embarquer et j’aurais tellement aimé faire le poirier!

  2. Catherine Z dit :

    Quelle histoire ! Quelle imagination !! J’adore cette idée de la petite fille chauve souris.

  3. Aliette S dit :

    Oh j’adore cette histoire , je l’adore ! J’ai vraiment aimé l’enfance, je trouve que c’est une description tellement juste de certains enfants qui ne sont pas toujours tête en bas « pour de vrai » (au point de devenir trapézistes), mais qui sont décalés-tête-en-bas à l’intérieur d’eux-mêmes.
    Superbe

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