Les tigres d’appartement

Je me souviens qu’au début on était des tigres. Flambants et flânants. On avait envie de se retrouver sans prétexte, même pas pour un dîner. Un soir, on a mangé une pomme en flânant dans les rues de Marseille parce que je n’avais que ça dans mes poches et tu n’avais pas besoin de plus pour te rassasier. On se voulait libres. On avait peur de tout mais on n’avait pas envie d’avoir peur.

Maintenant on est devenus des chats. Des gros chats à croquettes industrielles qui regardent avec effroi les souris. Je suis là dans le canapé et je me demande… Je me demande plein de trucs mais surtout comment atteindre le monde d’avant. Est-ce que je suis à l’arrêt, en montée, en descente, en vie ou vers la fin quand tout s’achève. C’est nous qui s’achève quand on ne se reconnaît plus. Maintenant c’est des repas et ça brille de bouteilles qu’on tient à plat, on n’a pas toujours de quoi se raconter et adieu les pommes de la désinvolture.

D’ailleurs je ne la mange plus des yeux et la chaleur des couleurs d’automne a depuis longtemps déserté les siens quand elle me regarde.

Y’a Beyrouth qui est dans ma tête. Ça brûle et ça pète dans ma position immobile. Des éclats de verre partout avec une incessante déconstruction, reconstruction, déconstruction. En fait je ne suis pas un chat, je suis un hamster qui tourne dans sa roue à la recherche du temps perdu, du temps à venir. A la recherche du temps tout simplement.

 

Il y a ce proverbe ; demander la lune, vous atterrirez au milieu des étoiles. Au pire. Ou quelque chose comme ça.

Mais pour moi elle était l’étoile et ça m’allait bien comme ça. Je disais même à la lune : « vas donc voir ailleurs si j’y suis ma grande, je préfère l’étoile ».

Je suis dans ce canapé acheté ensemble comme des couillons et tout me semble dérisoire. La maussaderie du boulanger que j’aimerais payer pour un sourire, le Liban, la syphilis du poète et tout le reste.

Il faudrait changer le proverbe, partir du bas pour aller vers le haut, un truc du genre : fixe le lampadaire et ton bourdon, puis guette l’étoile.

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