Nom d’une Pipe

Le soir, lorsque je suis nostalgique, j’aime retrouver le portrait de mon grand-père dans le reflet de sa collection de pipes. Elles sont là, jetées pêle-mêle, dans cette grande boîte en carton, en un parfait chaos de bois et de résine, certaines un peu mordillées, ou d’autres complètement machouillées, d’autres avec un vieux poil de moustache, des tordues, des biscornues, certaines d’un vieux jaune citron délavé ou d’autres (mes préférées) plus farfelues, avec un bec d’alouette ou une tête de chouette, me rappellent à son souvenir à la fois intact et vaporeux, comme fondu dans un nuage de fumée. Je me souviens quand il venait me chercher dans sa Capture à la gare de la Varenne-Chennevières en râlant toujours « Nom d’une Pipe! » sur les difficultés (réelles ou non) de circulation, arborant fièrement sa pipe au bec.

Cet objet, à la fois extra et ordinaire reflete en effet toute l’originalité contrastée de mon grand-père, tantôt rugueux, tantôt lisse, tantôt voyou, tantôt Dandy, tantôt flatteur, tantôt farceur, tantôt suiveur ou à contre-courant mais toujours doté de cette singularité propre aux petites choses qui font partie des grands hommes.

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