Peggy la ventriloque

Bébert et Josie s’étaient procuré Peggy lorsqu’elle était toute petite, alors encore mignon cochon de laie au teint rosé. Quand ils étaient revenus dans leur ferme située à Chantôme, dans le Berry, ils étaient excités et heureux de cette nouvelle acquisition. Peggy rejoignait tout un cortège d’animaux ruraux composé d’un gros boeuf castré nommé Castro, d’un vieux mouton boiteux appelé Speedy, de deux vaches Milka jumelles : Cune et Gonde, d’une dizaine d’oies anonymes car…trop compliqué de les différencier entre elles et de quelques poules rousses que Bébert surnommait affectueusement « mis Chicken Chicas ». Mais, en dehors de l’élevage de ces animaux, Bébert et Josie étaient avant tout d’ambitieux arboriculteurs qui possédaient parmi les plus belles variétés de mirabelles de France. Cela leur avait notamment valu la remise du 1er prix national de la « Mira-Belle » pour la 12ème année consécutive l’été dernier. Ils en étaient extrêmement fiers et avaient acheté Peggy pour poursuivre l’obscur dessein de la nourrir exclusivement de leur succulente variété de fruits et de la revendre à un bon prix à l’acheteur le plus offrant afin qu’elle soit dégustée à la broche au bout de quelques mois par un ménage chanceux. Les semaines étaient passées et Peggy avait ainsi pris une couleur légèrement miel-orangée, ce qui faisait quand même un effet boeuf à Castro et largement jaser les autres habitants du lieu-dit. A l’approche de la date de revente de Peggy, la presse locale était même venue chez Bébert et Josie pour interviewer le couple, micros au poing. Prise dans cette agitation et, sentant que sa fin était proche, Peggy, qui était cochon mais point sotte décida alors d’employer les grands moyens et…les journalistes partis, miracle: Peggy était devenue ventriloque! Son estomac produisait des sons ressemblant étrangement à la symphonie n°3 en E majeur de Schumann. Bébert, Josie ainsi que tous les villageois étaient restés estomaqués. Ce talent acquis permis à Peggy de devenir célèbre mais surtout de quitter son régime fruitier pour découvrir la vie, la vraie! Une troupe d’artistes de cirque, fascinés par ce cochon si original, l’avaient aidée à s’enfuir de la ferme puis recrutée et elle faisait chaque soir son numéro spécial dans une ambiance joviale et potache. Consciente qu’elle avait échappé au pire, Peggy s’endormait chaque soir, chérissant son secret en remerciant les cieux et la technologie et se réveillait chaque matin en ventriloquant intérieurement en son désormais sonore fort intérieur : « Mes braves gens, si vous voulez survivre, avalez un micro! ».

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