Quitter la ville

On a quitté l’asphalte de la ville par l’autoroute, on a quitté l’autoroute par les chemins de traverse, on a quitté les chemins de traverse par les sentiers côtiers. Et sur les sentiers côtiers, on est restés. On est restés dans le soleil d’hier, la pluie battante, dans le brouillard et le crachin. Otages de la beauté, de l’air iodé. Otages du calme retrouvé, des souvenirs d’été. Emmitouflés, bottés, chapeautés, dans les bourrasques, le va-et-vient des marées, sur les rochers glissants, le goémon luisant. A l’horizon scintillant où par jours de beau temps, on a vu le soleil sombrer au fond de l’océan, le soleil rougeoyant. Et le ciel devenir rose et la dune s’éteindre. Et l’humidité monter. L’heure de la bouilloire qui chuinte dans le tic tac de l’horloge, les lumières qu’on allume, le programme de ciné ou un bon vieux film à la télé. Multiples possibilités. Et dans le ciel, la joie de distinguer les mouettes des goélands. Le matin, vite enfiler des chaussettes sur ses pieds nus et foncer dans la nuit pour voir le jour venir.
Je suis rentrée avec un flacon de mercurochrome parce que c’est comme une petite plaie qui pique et qui gratte un retour par les petites routes et les autoroutes. Tourner le dos au port et couper par la campagne pour traverser Pont-labbé, Quimper et bifurquer vers la 4 voies, tout droit, laisser les panneaux pour Bénodet, Concarneau, Pont-Aven, Lorient, monter vers Rennes, contourner la ville par la rocade, rejoindre Laval, Le Mans, Chartres. Ouvrir les fenêtres au péage de Saint-Arnoult et constater que l’air a changé. Laisser le silence prendre la place des passagers. Rentrer pour de bon. Entendre les cloches de l’église des Quinze-vingt et tourner les yeux vers le ciel, le ciel d’ici.

PS : par petites touches, ce court séjour où chaque journée était lente, sans rien de terrible à raconter, reste présent. Je suis sûre que la mémoire collective est nourrie de ces moments de vie très simple qui rendent heureux. Pourtant, ce bonheur fait un peu mal, comme une petite blessure qui cisaille la peau. Où ai-je mis le mercurochrome ?

Ce contenu a été publié dans Atelier au Long cours. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire