Rendez-vous avait été donné au métro Château de Vincennes. Les consignes rappelées à l’avant-veille étaient précises :
Prenez
– de quoi écrire, un stylo de secours
– votre repas, de l’eau (il va faire chaud)
– un tissu pour poser vos fesses
– et votre bonne humeur, car il y aura une surprise !
Elsa se demande : mais quelle mouche les a piqués pour cette première balade-écriture de la saison ? Une surprise ?
Une nuit de gamberge (Elsa est parfois méfiante), une journée se passe, le sac se prépare. Elsa vérifie 10 fois le point de rendez-vous, elle pointe sa boîte mail (un imprévu?), et checke son heure de réveil.
Samedi matin se lève, et Elsa se sent la tête lourde comme une éléphante. Elle a trop cherché le phénomène inattendu que Rachel et Hippolyte ont planifié.
La ligne 1 la dépose comme prévu. Elle retrouve ses compagnons d’écriture. « Salut ! », «Ça faisait longtemps ! », « Quoi de neuf ? », « La forme ? »
Arrive un type ébouriffé, un appareil photo en bandoulière, vêtu d’une chemise hawaïenne, d’un bermuda, de chaussettes de sport dans des mocassins. Il s’oriente vers Rachel et Hippolyte.
Elsa s’interroge : C’est qui cet énergumène ?
Le sourire aux lèvres, les animateurs se plantent au milieu de groupe :
– Bien ! Puisque vous êtes tous là, nous vous présentons Oscar. Il est journaliste et il va nous accompagner pendant l’atelier. Ça va nous faire une pub d’enfer !
Les scribouillards se regardent, dubitatifs.
– C’est quoi votre spécialité ? interroge Charlotte.
– Le sport.
– Ah !
– Allez, on y va ! lance Hippolyte.
Dès le début de l’étape, une échappée de 10 coureurs.
– Non, des marcheurs, corrige Rachel.
Le premier tronçon est de durée indéterminée. On cherche une place où tous se poser. L’arrivée est prévue à Émerainville.
Assez vite, Charlotte vire à l’écarlate.
– Ça va ? demande Hippolyte.
Entre 2 tentatives pour reprendre son souffle, l’apprentie auteure expire :
– Vous allez trop vite !
– Au lieu de mettre ton énergie dans les plaintes, tais-toi et marche ! grommelle Elsa. Elle n’aime pas les gens qui marchent trop lentement.
Oscar en profite pour râler à son tour. Les mocassins lui font mal aux pieds.
– Faut être con pour faire une rando en chaussures à talon, s’emporte Elsa.
Rachel la foudroie du regard :
– C’est une balade-écriture, pas une randonnée. Et si tu n’es pas contente, tu suis les panneaux « Château de Vincennes », et tu te casses.
Du coup, Elsa prend aussi la couleur écarlate, mais sans être essoufflée.
Elle se tait et s’échappe, en tête du groupe. Oscar court pour chronométrer le temps entre la fille de tête et le peloton.
Hippolyte et Rachel se demandent s’ils ont bien fait d’inviter le journaliste ; l’atelier devient du grand n’importe quoi.
Malgré tout, le groupe continue. Elsa attend régulièrement ses partenaires, elle ne connaît pas le chemin.
Émerainville, c’est pour elle un panneau sur le bord d’une route, un point sur une carte IGN.
Oscar a emprunté un vélo à un type qui était allé pisser dans le bois, alors il ne se plaint plus de ses mocassins en cuir.
Au sein du groupe, on commence à s’envoyer des consignes orales, à défaut de s’asseoir pour les écrire ; il y a trop de monde par terre, et on a 3 heures pour arriver à Émerainville.
– Chacun cherche un mot qui rime avec Sénégal, et un qui ne rime pas du tout avec, propose Rachel.
Isidore s’interpose :
– Sénégal ? Et pourquoi pas Zimbabwe ?
Exaspérée, Marie lui colle une baffe, sous l’objectif d’Oscar.
Pas sûr que l’article ne sorte dans les journaux.